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**The Sinking City 2** : Pourquoi le report à 2026 était inévitable (et ce que ça change pour le jeu)
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Un report lourd de sens : entre guerre et révolution créative
Initialement prévu pour 2025, The Sinking City 2 ne verra finalement le jour qu’en 2026. Derrière ce délai, deux réalités brutales : d’une part, les conséquences directes de la guerre en Ukraine sur le studio Frogwares (coupures d’électricité, alertes aux drones, logistique perturbée) ; d’autre part, une refonte audacieuse du gameplay, passant d’un jeu d’enquête à un survival-horror pur, inspiré des mécaniques de Resident Evil et Silent Hill. Un choix risqué, mais assumé, qui exige un temps de développement supplémentaire pour maîtriser des éléments inédits : gestion des ressources en temps réel, tension psychologique poussée, et une immersion horrifique bien loin des codes du premier opus.
A retenir :
- The Sinking City 2 reporté au premier semestre 2026 (initialement prévu en 2025), sans date précise.
- Le studio Frogwares (Kiev) fait face à des coupures d’électricité quotidiennes et des alertes aux drones, ralentissant la production.
- Abandon partiel de l’enquête narrative pour un survival-horror radical, avec des mécaniques inspirées de Resident Evil 4 Remake et Silent Hill 2.
- Nouveaux défis techniques : système de folie progressive, gestion des munitions/ressources, et environnements dynamiques (inondations, effondrements).
- Un report stratégique pour éviter un "rush" créatif : le studio privilégie la qualité malgré les pressions financières.
Kiev sous les bombes : quand la guerre dicte le rythme du développement
Imaginez développer un jeu vidéo alors que votre ville est sous le feu des drones plusieurs fois par semaine. C’est le quotidien de l’équipe de Frogwares, installée en plein cœur de Kiev depuis 2021. Dans un communiqué poignant, le studio détaille l’impact concret du conflit sur leur travail :
- Coupures d’électricité imprévisibles : Jusqu’à 12 heures par jour sans accès aux serveurs ou aux outils de développement.
- Alertes aux drones : Les nuits sont rythmées par les sirènes, obligeant les développeurs à interrompre leur flux de travail pour se mettre à l’abri.
- Logistique paralysée : Impossible d’organiser des sessions de motion capture ou d’enregistrements sonores en Ukraine ; certaines phases doivent être externalisées à l’étranger, avec des coûts supplémentaires.
Pour Wael Amr, CEO de Frogwares, la situation est claire : "On ne peut pas demander à une équipe de créer un monde horrifique immersif quand la réalité dépasse la fiction. Nos priorités ont dû changer : sécurité d’abord, jeu ensuite." Un constat qui explique pourquoi le studio a préféré repousser le jeu d’un an plutôt que de livrer un produit bâclé.
Ce report n’est pas une première pour Frogwares : en 2022, le studio avait déjà dû délocaliser une partie de ses effectifs en Pologne et en République tchèque pour assurer la continuité du projet. Mais cette fois, c’est l’ensemble de la production qui est affecté, avec un impact direct sur le moral des équipes et la coordination internationale.
"On ne fait plus un jeu d’enquête" : le virage survival-horror qui change tout
Si la guerre a accéléré la décision, c’est bien une réorientation créative majeure qui justifie l’essentiel du report. The Sinking City 2 abandonne en effet une grande partie de son ADN lovecraftien et investigatif pour embrasser un survival-horror pur, avec des mécaniques empruntées aux géants du genre. Alexander Gresko, designer en chef, assume ce choix sans détour :
"Le premier opus était un jeu d’enquête avec des éléments d’horreur. Là, c’est l’inverse : un jeu d’horreur où l’enquête est un outil parmi d’autres pour survivre. On parle de gestion des munitions en temps réel, de santé mentale qui se dégrade, et d’un environnement hostile qui réagit à vos actions. C’est un apprentissage complet."Concrètement, voici ce que cela implique :
- Un système de folie progressive : Plus vous explorez les horreurs de la ville engloutie, plus votre personnage perd pied avec la réalité (hallucinations, choix irrémédiables).
- Des ressources limitées : Munitions, nourriture, et même la lumière deviennent des denrées rares, à gérer avec parcimonie.
- Des ennemis "intelligents" : Les créatures s’adaptent à vos tactiques (ex. : si vous utilisez trop souvent une arme à feu, elles apprendront à se cacher).
- Une ville dynamique : Les inondations et effondrements modifient les chemins, forçant le joueur à improviser.
Pour les fans du premier volet, ce virage peut surprendre. Certains, comme le youtubeur Jvlemming, s’interrogent : "Est-ce qu’on va retrouver l’ambiance unique du premier jeu, ou juste un Resident Evil sous-marin ?" Une critique que Frogwares anticipe, en promettant une "horreur lovecraftienne plus visuelle et oppressante", tout en gardant une narration profonde.
Derrière les écrans : comment Frogwares a (presque) tout repensé
Ce que peu de gens savent, c’est que The Sinking City 2 a failli être annulé purement et simplement en 2023. Après des mois de prototype infructueux, l’équipe a réalisé que le moteur de jeu initial (Unreal Engine 4) ne permettait pas de concrétiser leur vision. Serhiy Romanenko, lead programmer, raconte :
"On avait deux options : soit on sortait un jeu moyen en 2025, soit on prenait le temps de tout reconstruire sur Unreal Engine 5 avec des mécaniques de survival-horror. On a choisi la seconde option, même si ça signifiait repousser le jeu. Les joueurs méritent mieux qu’un portage hasty."Cette décision a entraîné :
- Un changement complet d’outils : Passage à UE5 pour exploiter le Lumen (éclairage dynamique) et le Nanite (détails ultra-précis), cruciaux pour l’immersion horrifique.
- Une réécriture partielle du scénario : L’accent est mis sur la survie individuelle plutôt que sur une enquête collective.
- Des tests joueurs prolongés : Des sessions fermées ont révélé que les mécaniques de combat initiales étaient "trop arcades" pour un survival-horror.
Résultat ? Un jeu qui, sur le papier, se rapproche davantage de The Callisto Protocol que de son prédécesseur. Mais Frogwares insiste : "L’identité lovecraftienne reste au cœur de l’expérience, simplement exprimée différemment."
2026 : une date réaliste ou un nouveau pari risqué ?
Avec un report aussi long, la question se pose : The Sinking City 2 peut-il encore trouver son public en 2026 ? Le marché du survival-horror sera alors ultra-concurrentiel, avec des sorties attendues comme Silent Hill 2 Remake ou Alan Wake 2 (DLC). Pourtant, Frogwares mise sur trois atouts :
- Un créneau unique : Peu de jeux mélangent horreur lovecraftienne et survival-horror moderne avec une telle ambition narrative.
- Une communauté fidèle : Le premier opus, malgré ses défauts, a séduit un public niche (1,5 million de ventes), prêt à suivre la suite.
- Un timing stratégique : Sortir après la vague des "remakes" (Resident Evil 4, Silent Hill) pourrait permettre au jeu de se démarquer.
Reste un défi de taille : le financement. Le report implique des coûts supplémentaires (salaires, externalisations), alors que les aides publiques ukrainiennes se raréfient. Frogwares compte sur un partenariat éditorial (non révélé) pour boucler le budget, mais refuse de "brader" le jeu à un grand publisher au risque de perdre le contrôle créatif.
Pour les joueurs, l’attente sera longue. Mais si Frogwares tient ses promesses, The Sinking City 2 pourrait bien devenir le survival-horror le plus ambitieux de 2026 — à condition que la guerre, elle, ne s’éternise pas.
Entre les réalités d’une guerre qui n’en finit pas et une vision artistique radicalement repensée, The Sinking City 2 incarne les défis du développement vidéo-ludique moderne. Le report à 2026 n’est pas qu’une question de délai : c’est le signe d’un studio qui refuse le compromis, quitte à prendre des risques. Reste à voir si ce pari audacieux — mélanger l’horreur psychologique de Lovecraft aux codes du survival-horror — saura convaincre dans un marché déjà saturé. Une chose est sûre : quand il sortira, ce jeu portera en lui les cicatrices de son époque, bien au-delà de son univers fictif.

