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Ubisoft et ses "transitions volontaires" : quand la novlangue corporate cache des licenciements massifs
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Il y a 7 jours

Ubisoft et ses "transitions volontaires" : quand la novlangue corporate cache des licenciements massifs

Entre novlangue et réalité économique : Ubisoft dans la tourmente

Ubisoft essuie une vague de critiques après l'annonce d'un programme de "transition professionnelle volontaire" chez Massive Entertainment, studio derrière Star Wars Outlaws. Derrière ce jargon managérial se cacheraient en réalité des licenciements déguisés, suite à l'échec commercial du jeu malgré son budget pharaonique de 200M$. Cette annonce s'inscrit dans une série de bouleversements internes qui révèlent les difficultés du géant français à diversifier son catalogue au-delà de ses franchises historiques comme Assassin's Creed ou Far Cry.

A retenir :

  • Novlangue corporate : Ubisoft accusé de masquer des licenciements derrière des "transitions volontaires" chez Massive Entertainment, studio de Star Wars Outlaws
  • Échec commercial : Malgré 200M$ de budget, Star Wars Outlaws n'a vendu que 3,2M d'exemplaires en 3 mois, déclenchant une restructuration
  • Hémorragie de talents : Départ de Marc-Alexis Côté (20 ans chez Ubisoft, Assassin's Creed) et rumeurs autour de Julian Gerighty (The Division)
  • Stratégie risquée : Ubisoft mise tout sur ses licences phares et son partenariat avec Tencent, tandis que ses projets originaux s'enchaînent les échecs
  • Manque de transparence : Après les polémiques sur les microtransactions, la communication d'Ubisoft est de nouveau pointée du doigt
  • Restructuration en cascade : D'autres studios comme Red Storm Entertainment (Rainbow Six) pourraient être touchés

Quand "transition volontaire" rime avec licenciements déguisés

L'annonce est tombée comme un couperet, mais habillée des oripeaux du politiquement correct corporate. Ubisoft a récemment dévoilé un programme de "transition professionnelle volontaire" au sein de Massive Entertainment, le studio suédois derrière Star Wars Outlaws. Une formulation qui n'a pas trompé les observateurs : derrière ce jargon se cacheraient en réalité des licenciements massifs. Les réseaux sociaux se sont emparés de l'information, qualifiant cette communication de "novlangue digne de 1984", en référence au roman de George Orwell où le langage est détourné pour masquer la réalité.

Les réactions ne se sont pas faites attendre. "Une façon bien alambiquée de dire qu'on licencie", résume un internaute, tandis qu'un autre ironise : "Bonjour l'IA : rédige un communiqué où on annonce des licenciements sans dire qu'on licencie, merci." Le cynisme est palpable, reflétant une défiance croissante envers les pratiques RH des grands groupes. Cette annonce intervient dans un contexte déjà tendu pour Ubisoft, régulièrement critiqué pour son manque de transparence, notamment sur les microtransactions présentées comme "améliorant le plaisir de jeu".

Le timing est d'autant plus mal choisi que cette restructuration fait suite à l'échec commercial de Star Wars Outlaws, sorti en août 2024. Malgré un budget estimé à plus de 200 millions de dollars et des années de développement, le jeu n'a écoulé que 3,2 millions d'exemplaires en trois mois, selon les données du NPD Group. Un chiffre bien en deçà des attentes pour un blockbuster AAA de cette envergure, qui aurait précipité la décision de réduire les effectifs chez Massive Entertainment, où le programme cible une partie des 700 employés du studio.


Ce qui frappe, c'est l'écart entre le discours et la réalité. Ubisoft, qui mise depuis des années sur des franchises récurrentes comme Assassin's Creed ou Far Cry, peine à stabiliser ses projets originaux. Après l'échec relatif de Skull and Bones en 2023, Star Wars Outlaws confirme les difficultés du géant français à diversifier son portefeuille sans le soutien de licences établies. Une ironie amère pour un groupe qui se targue d'innovation.

Massive Entertainment dans la tourmente : l'après Star Wars Outlaws

Le cas de Massive Entertainment est emblématique des défis auxquels fait face Ubisoft. Le studio suédois, connu pour The Division et The Division 2, avait été choisi pour développer Star Wars Outlaws, un pari ambitieux avec un budget colossal et une licence mythique. Pourtant, malgré des qualités certaines (un open-world bien conçu, des graphismes soignés), le jeu n'a pas convaincu les joueurs. Les critiques ont pointé un manque d'originalité dans le gameplay, des missions répétitives, et une narration en deçà des attentes pour un titre estampillé Star Wars.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 3,2 millions de ventes en trois mois, c'est moins que Star Wars Jedi: Survivor (10M+ en un an) et très loin des Assassin's Creed Valhalla (20M+). Pour un jeu qui aurait coûté plus de 200M$ (développement + marketing), c'est un échec cuisant. Les analystes estiment qu'Ubisoft aurait besoin de vendre au moins 8 à 10 millions d'exemplaires pour rentabiliser l'investissement. Résultat : la direction a actionné le levier des "transitions volontaires", un euphémisme qui ne trompe personne.

Ce qui inquiète, c'est l'impact sur les équipes. Massive Entertainment employait près de 700 personnes avant cette restructuration. Combien partiront ? Ubisoft refuse de communiquer des chiffres précis, se retranchant derrière des formulations floues. "Nous adaptons nos effectifs pour aligner nos ressources sur nos priorités stratégiques", peut-on lire dans le communiqué officiel. Une phrase creuse qui en dit long sur la culture d'entreprise du groupe.


Pourtant, Star Wars Outlaws n'est pas un mauvais jeu. Les tests étaient globalement positifs (moyenne de 78/100 sur Metacritic), mais dans un marché ultra-concurrentiel, "bon" ne suffit plus. Les joueurs attendent de l'exceptionnel, surtout pour un titre à 70€ avec des microtransactions. Ubisoft semble avoir sous-estimé cet impératif, et ce sont les employés qui paient le prix.

Une hémorragie de talents qui interroge

Les départs chez Massive Entertainment ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Depuis plusieurs mois, Ubisoft subit une hémorragie de talents qui inquiète les observateurs. En octobre 2025, Marc-Alexis Côté, producteur exécutif d'Assassin's Creed et figure historique du studio (20 ans de maison), a annoncé son départ. Contrairement aux communiqués lissés d'Ubisoft, il a lui-même qualifié son départ de "non volontaire", une révélation qui a fait l'effet d'une bombe.

Son cas n'est pas isolé. Des rumeurs persistantes évoquent le départ imminent de Julian Gerighty, directeur créatif de The Division, bien qu'Ubisoft ait officiellement démenti. Ces mouvements internes alimentent les spéculations sur une restructuration plus large, alors que le groupe mise sur son partenariat avec Tencent pour relancer ses franchises phares : Assassin's Creed, Far Cry et Rainbow Six.

Le problème ? Ces licences, aussi solides soient-elles, ne suffisent plus à garantir la pérennité du groupe. Assassin's Creed montre des signes de fatigue (les ventes de Mirage ont déçu), Far Cry peine à se renouveler, et Rainbow Six est en concurrence frontale avec des jeux comme Valorant ou Call of Duty: Warzone. Ubisoft semble pris dans un étau : d'un côté, ses franchises historiques s'essoufflent ; de l'autre, ses projets originaux (Skull and Bones, Star Wars Outlaws) échouent à séduire.


Cette situation rappelle étrangement celle de Red Storm Entertainment, studio derrière Rainbow Six Siege. Après des années de succès, le studio a été touché par des licenciements en 2023, officiellement présentés comme une "réorganisation". Un scénario qui pourrait se répéter, alors que les ventes de Rainbow Six Mobile (développé avec Tencent) sont en dessous des attentes.

Derrière les mots : une stratégie à bout de souffle ?

La communication d'Ubisoft est de plus en plus perçue comme un écran de fumée. Après les polémiques sur les microtransactions ("elles améliorent l'expérience de jeu", assurait le groupe), voici les "transitions volontaires". Une rhétorique qui rappelle étrangement le "Newspeak" de 1984, où le langage est manipulé pour contrôler la pensée. "Licenciement" devient "transition", "échec" devient "réorientation stratégique"...

Pourtant, les chiffres sont têtus. Ubisoft a enregistré une baisse de 12% de son chiffre d'affaires sur l'exercice 2023-2024, et ses actions ont chuté de 30% en un an. Dans ce contexte, les "transitions volontaires" ressemblent davantage à une purge budgétaire qu'à une véritable stratégie de reconversion. D'autant que le groupe a annoncé en parallèle un plan d'économies de 200M€ sur deux ans, avec des suppressions de postes "ciblées".

Le plus inquiétant, c'est l'impact sur la créativité. Comment innover quand les équipes vivent dans la peur des restructurations ? Massive Entertainment avait pourtant prouvé son talent avec The Division 2, un jeu salué pour son ambiance et son gameplay. Mais depuis, le studio semble étouffé par les impératifs financiers. "On nous demande de faire plus avec moins", confie un développeur sous couvert d'anonymat. "Résultat : on prend moins de risques, on copie ce qui marche, et on se retrouve avec des jeux comme Star Wars Outlaws – techniquement impressionnants, mais sans âme."


Ubisoft n'est pas le seul dans ce cas. L'industrie du jeu vidéo traverse une crise des AAA, où les budgets explosent (Star Wars Outlaws a coûté autant qu'un blockbuster Hollywoodien) mais les retours sur investissement se font rares. Skull and Bones (Ubisoft), Redfall (Bethesda), Suicide Squad (Warner) : la liste des échecs commerciaux s'allonge. La différence, c'est qu'Ubisoft semble persister dans une stratégie à haut risque, en misant sur des licences coûteuses (Avatar, Star Wars) plutôt que sur des projets plus agiles.

Et maintenant ? Le pari risqué du partenariat avec Tencent

Face à ces difficultés, Ubisoft mise tout sur son alliance avec Tencent, le géant chinois du jeu vidéo. Le partenariat, annoncé en 2023, prévoit des co-développements sur Assassin's Creed, Far Cry et Rainbow Six, ainsi que des adaptations mobile. Une stratégie qui divise : pour certains, c'est une bouée de sauvetage ; pour d'autres, un aveu de faiblesse.

"Ubisoft devient un sous-traitant pour Tencent", résume un analyste. Le groupe chinois, connu pour son approche agressive des microtransactions (voir Honor of Kings ou Call of Duty Mobile), pourrait en effet imposer sa vision. Déjà, les rumeurs évoquent un Assassin's Creed mobile ultra-monétisé, avec des mécaniques de gacha (tirages aléatoires payants). Une perspective qui fait grincer des dents chez les fans de la licence.

Pourtant, Ubisoft n'a pas vraiment le choix. Sans un rebond rapide, le groupe risque de se faire distancer par des concurrents comme Electronic Arts (qui cartonne avec Star Wars Jedi et FC 24) ou Take-Two (GTA VI attendu comme le messie). La question est : à quel prix ? Si Ubisoft sacrifie sa créativité sur l'autel des économies et des partenariats, il pourrait perdre ce qui a fait sa force : des mondes ouverts ambitieux, des narrations audacieuses, et une touche française reconnaissable.


Reste une lueur d'espoir : les studios indépendants du groupe, comme Ubisoft Montpellier (Rayman, Beyond Good & Evil 2), continuent d'innover. Mais pour combien de temps ? Dans un environnement où les "transitions volontaires" deviennent la norme, l'avenir d'Ubisoft ressemble à un jeu d'équilibriste – avec le risque de tomber dans le vide.

Les "transitions professionnelles volontaires" d'Ubisoft ne sont que le symptôme d'un mal plus profond : celui d'une industrie du jeu AAA à bout de souffle, où les budgets pharaoniques et les attentes démesurées écrasent la créativité. Star Wars Outlaws aurait pu être un tournant ; il est devenu un nouvel échec dans une série qui s'allonge. Entre les départs de vétérans comme Marc-Alexis Côté, les rumeurs de restructurations en cascade et un partenariat avec Tencent qui interroge, Ubisoft se trouve à la croisée des chemins.

Le géant français parviendra-t-il à se réinventer, ou sombrera-t-il dans la spirale des licenciements déguisés et des franchises usées jusqu'à la corde ? Une chose est sûre : après cette affaire, chaque communiqué d'Ubisoft sera lu avec un œil encore plus critique. Car dans l'industrie du jeu, comme dans 1984, le langage compte – surtout quand il sert à masquer une réalité bien moins reluisante.

L'Avis de la rédaction
Par Celtic
"Ubisoft joue à cache-cache avec la réalité, et les employés sont les perdants. 'Transition volontaire' ? Plus de 700 personnes à la porte, c'est du grand n'importe quoi. On est dans une dystopie où les mots sont manipulés pour masquer la vérité. Ubisoft, tonton, tu nous fais une blague ?"
Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Celtic

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