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Xbox : vers la fin des consoles et des exclusivités ? L’avertissement choc d’un ex-dirigeant
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Microsoft à la croisée des chemins : et si Xbox abandonnait consoles et exclusivités ?
Un ancien cadre de Xbox relance le débat sur l’avenir de la marque. Entre déclin des ventes de consoles, essor du Game Pass et concurrence féroce de Sony et Nintendo, Microsoft serait-il en train de préparer un virage radical ? Exclusivités sacrifiées, matériel abandonné, recentrage sur l’édition multiplateforme… Une stratégie risquée, mais peut-être inévitable, selon les analyses d’experts et les chiffres du marché. Décryptage d’un possible tournant historique pour Xbox.
A retenir :
- Un ex-vice-président d’Xbox suggère l’abandon des consoles et des exclusivités pour se concentrer sur l’édition multiplateforme, une stratégie déjà amorcée avec des titres comme Sea of Thieves ou Hi-Fi Rush mieux vendus sur PS5 que sur Xbox.
- Game Pass en crise : après une hausse de 50 % de son tarif (19,99 €/mois) et la suppression de titres phares comme Halo Infinite, le service perd de son attractivité face à PS Plus Premium, malgré ses 34 millions d’abonnés.
- Chiffres alarmants : seulement 18,5 millions de Xbox Series X|S vendues depuis 2020 (contre 55 millions de PS5), tandis que 60 % des revenus gaming de Microsoft proviennent désormais des services (Game Pass, cloud).
- Fermetures de studios (Tango Gameworks, Alpha Dog) et priorité à l’IA : Microsoft prépare-t-il l’après-console, au risque de trahir son ADN historique ?
- Contradictions internes : alors que Sarah Bond (présidente d’Xbox) évoque un nouveau hardware next-gen avec AMD, les signes d’un désengagement matériel s’accumulent.
« Xbox doit choisir : être un constructeur ou un éditeur » – l’avertissement de Mike Ybarra
La bombe est tombée début 2024, lancée par un homme qui connaît Xbox mieux que quiconque. Mike Ybarra, ex-vice-président de la division et vétéran de Microsoft, a publiquement suggéré que la marque pourrait – voire devrait – abandonner la production de consoles et d’exclusivités pour se recentrer sur l’édition de jeux multiplateformes. Une déclaration qui a fait l’effet d’un séisme dans l’industrie, tant elle remet en cause 30 ans d’histoire Xbox.
Pour Ybarra, aujourd’hui à la tête de Blizzard, le constat est sans appel : « Dans un marché dominé par Sony et Nintendo, continuer à jouer sur les deux tableaux – matériel ET exclusivités – est un luxe que Xbox ne peut plus se permettre. » Son argument ? Les jeux Xbox se vendent souvent mieux ailleurs. Sea of Thieves, par exemple, a réalisé des ventes supérieures sur PS5 (où il est sorti en 2023) que sur sa plateforme d’origine, selon les données du PlayStation Store. Même scénario pour Hi-Fi Rush, ou encore Pentiment, des titres initialement conçus pour Xbox mais qui ont trouvé un public plus large sur Steam ou PlayStation.
Une tendance qui valide, a posteriori, le virage multiplateforme officiellement acté par Microsoft en 2024 avec des annonces comme l’arrivée de Starfield et Avowed sur PS5. « Pourquoi maintenir un écosystème fermé si les joueurs préfèrent nos jeux ailleurs ? », interroge Ybarra, soulignant l’absurdité économique de la situation.
Mais attention, prévient-il : « Sans exclusivités fortes ni matériel innovant, Xbox risque de devenir un éditeur parmi d’autres, sans identité propre. » Un écueil que Sony (avec son Project Q) et Valve (via le Steam Deck OLED) évitent précisément en misant sur des expériences hardware uniques. Le pari de Microsoft est donc périlleux : sacrifier son ADN console pour survivre dans un marché de plus en plus concurrentiel.
Game Pass : le modèle par abonnement à l’épreuve des réalités
Autre signe d’un changement de cap : la récente hausse de 50 % du tarif d’Xbox Game Pass Ultimate, passé de 12,99 € à 19,99 € par mois. Une décision qui a provoqué un tollé parmi les abonnés, d’autant que le service a simultanément retiré des titres phares comme Halo Infinite ou Forza Horizon 4 de son catalogue. « On nous demande de payer plus pour avoir moins », résume un joueur sur Reddit, un sentiment largement partagé.
Microsoft justifie cette augmentation par l’ajout de titres day-one (comme Starfield ou le futur Avowed) et l’intégration de licences tierces (EA Play, Ubisoft+). Pourtant, les chiffres posent question : selon Ampere Analysis, le Game Pass comptait 34 millions d’abonnés en 2023, mais sa croissance ralentit dangereusement (+5 % sur un an), contre +12 % pour le PS Plus de Sony. Pire : le catalogue du service est perçu comme instable, avec une rotation trop agressive des jeux, ce qui pousse certains utilisateurs vers des alternatives comme le PS Plus Premium (16,99 €/mois) ou même les jeux gratuits via Amazon Prime Gaming.
Piers Harding-Rolls, directeur chez Ampere, est formel : « Le Game Pass doit prouver qu’il vaut son nouveau prix, sinon les joueurs migreront vers des solutions plus stables. Microsoft mise sur l’effet ‘netflix du jeu’, mais sans exclusivités permanentes, ce modèle perd de sa crédibilité. »
Autre problème : l’image de marque. Les partenariats controversés de Microsoft, comme celui avec le ministère israélien de la Défense pour des outils d’IA, ont aliené une partie de sa base historique, traditionnellement progressiste. « Je ne veux plus financer une entreprise qui travaille avec des régimes controversés », explique un abonné ayant résilié son Game Pass sur Twitter. Un risque réputationnel qui s’ajoute aux défis économiques.
18,5 millions vs 55 millions : le fossé qui tue
Les chiffres sont implacables : depuis leur lancement en 2020, les Xbox Series X|S n’ont écoulé « que » 18,5 millions d’unités, contre 55 millions de PS5 sur la même période. Un écart abyssal qui s’explique par plusieurs facteurs :
- Un manque d’exclusivités marquantes : à part Forza Horizon 5 et Starfield (dont les ventes ont déçu), Xbox peine à proposer des titres systématiquement vendus.
- Une communication erratique : annulations de projets (Fable en 2016, Scalebound), fermetures de studios (Tango Gameworks, Alpha Dog), et une stratégie cloud/IA perçue comme éloignée des attentes des joueurs.
- Une concurrence aguerrie : Sony mise sur des blockbusters narratifs (The Last of Us, God of War), tandis que Nintendo domine avec ses licences intemporelles (Zelda, Mario).
Résultat : 60 % des revenus gaming de Microsoft proviennent désormais des services (Game Pass, abonnements, cloud), contre 40 % pour le matériel. Une bascule qui pourrait s’accélérer, d’autant que Sarah Bond, présidente d’Xbox, a récemment évoqué un nouveau hardware next-gen développé avec AMD… tout en insistant sur l’importance du cloud gaming et de l’IA.
Le paradoxe Xbox : d’un côté, des annonces rassurantes pour les fans de consoles (« Oui, il y aura une next-gen ») ; de l’autre, des signes clairs d’un désengagement progressif (fermetures de studios, priorité au multiplateforme). « Microsoft joue sur deux tableaux, mais pour combien de temps ? », s’interroge Daniel Ahmad, analyste chez Niko Partners.
L’après-console : un scénario déjà écrit ?
Et si tout cela était déjà acté ? Plusieurs indices suggèrent que Microsoft prépare discrètement sa sortie du marché du hardware :
- L’échec relatif de la Xbox Series X|S : malgré une puissance technique supérieure à la PS5 dans certains domaines (SSD plus rapide, rétrocompatibilité), la console peine à séduire.
- L’essor du cloud gaming : avec xCloud, Microsoft propose déjà une alternative aux consoles physiques, compatible avec smartphones, tablettes et PC.
- Les partenariats hardware : plutôt que de développer ses propres machines, Xbox collabore avec des constructeurs tiers (comme Asus pour le ROG Ally X, une console portable sous Windows optimisée pour le Game Pass).
- La priorité à l’IA : les récents licenciements chez Xbox ont surtout touché les équipes matériel et jeux solo, tandis que les investissements dans l’IA générative (pour créer des assets de jeux) se multiplient.
« Microsoft a toujours été une entreprise logicielle. Le hardware, c’était un moyen d’imposer Windows et ses services. Aujourd’hui, avec le cloud et les partenariats multiplateformes, ils n’ont plus besoin de consoles », analyse Serge Hascoët, ancien directeur créatif d’Ubisoft. Une thèse qui expliquerait pourquoi Xbox semble désinvestir les exclusivités : si les jeux sortent partout, à quoi bon posséder une Xbox ?
Pourtant, un obstacle majeur subsiste : l’attachement des fans. « Xbox, c’est d’abord une communauté, une histoire. Si ils abandonnent les consoles, ils perdent leur âme », s’alarme Jeannie, une streamer spécialisée Xbox. Un avis partagé par de nombreux joueurs, pour qui la manchette verte et le « Xbox, play anywhere » restent des symboles forts.
Le casse-tête de Sarah Bond : concilier héritage et innovation
Sarah Bond, nommée présidente d’Xbox en 2023, incarne cette tension. D’un côté, elle doit rassurer les 100 millions de joueurs Xbox (toutes générations confondues) en promettant une next-gen. De l’autre, elle supervise une stratégie de plus en plus tournée vers le cloud, l’IA et les partenariats externes (comme l’accord avec GeForce Now pour streamer les jeux Xbox sur PC Nvidia).
Son défi ? Éviter un « Nintendo 64 » – c’est-à-dire une console techniquement puissante mais commercialement marginalisée – tout en préparant l’après-console. « Nous croyons au choix. Que vous jouiez sur console, PC, mobile ou via le cloud, l’important est que vous puissiez accéder à nos jeux », déclarait-elle en mars 2024. Une philosophie multiplateforme qui, si elle séduit les investisseurs, inquiète les puristes.
Preuve de cette ambiguïté : lors de l’Xbox Developer Direct de janvier 2024, aucune exclusivité majeure n’a été annoncée pour les 12 prochains mois. À la place, Microsoft a mis en avant des jeux multiplateformes (Avowed, Fable) et des mises à jour de services (Game Pass, xCloud). « C’est comme si ils préparaient doucement les joueurs à l’idée qu’il n’y aura plus de ‘vraies’ exclusives Xbox », note un journaliste de IGN France.
Reste une question : et si c’était une bonne chose ? Après tout, comme le souligne Mike Ybarra, « les joueurs veulent des jeux, pas des consoles. Si Xbox peut leur offrir ses titres partout, sans les contraindre à acheter un boîtier, pourquoi s’en priver ? » Une vision pragmatique, mais qui suppose de renoncer à rivaliser frontalement avec Sony et Nintendo – un aveu de faiblesse que beaucoup, à Redmond, refusent encore d’admettre.
Entre déclarations rassurantes sur une next-gen et signaux contradictoires (fermetures de studios, désengagement des exclusivités), Xbox semble hésiter sur la voie à suivre. Une chose est sûre : le modèle historique – console + exclusivités – est en suris. Avec seulement 18,5 millions de Series X|S vendues et un Game Pass en perte de vitesse, Microsoft n’a plus les moyens de jouer sur tous les tableaux.
Deux scénarios émergent :
- Le « Netflix du jeu » : Xbox abandonne le hardware pour devenir un éditeur multiplateforme pur, misant sur le Game Pass et le cloud. Risqué, mais potentiellement lucratif si les joueurs suivent.
- La next-gen hybride : une console moins chère, plus orientée cloud, avec des exclusivités temporaires avant une sortie multiplateforme. Un compromis difficile à tenir face à une PS5 Pro et une Switch 2 annoncées.
Dans les deux cas, une page se tourne. 2024 sera l’année où Xbox devra choisir : rester un acteur du hardware, ou embrasser pleinement l’ère post-console. Et ce choix, les joueurs ne le lui pardonneront pas s’il est mal exécuté.

