Pan (Viaje a Nunca Jamás) : Pourquoi ce blockbuster à 150M$ a-t-il sombré dans l’oubli ?
En 2015, Pan (Viaje a Nunca Jamás) promettait de révolutionner la légende de Peter Pan avec un budget pharaonique et Hugh Jackman en Barbanegra. Pourtant, entre un scénario bancal, des effets numériques étouffants et un marketing désastreux, le film s’est transformé en l’un des plus gros flops de Warner Bros. Dix ans plus tard, pourquoi cette adaptation ambitieuse a-t-elle disparu des mémoires, malgré ses atouts visuels indéniables ?
A retenir :
- 150 millions de dollars dépensés pour un film qui n’a rapporté que 128,9M$, devenant l’un des pires échecs de Warner Bros.
- Un Barbanegra joué par Hugh Jackman, aussi charismatique qu’inutile, loin de l’iconique Capitaine Crochet.
- Un univers visuel steampunk et onirique noyé sous des effets spéciaux surchargés, au détriment de la narration.
- Un marketing catastrophique : ni les enfants ni les adultes n’ont accroché à ce ton hybride et incohérent.
- La fin d’une franchise avortée – malgré des rumeurs de suite centrée sur le Capitaine Crochet, jamais concrétisées.
Barbanegra vs. Capitaine Crochet : Quand Hugh Jackman ne suffit pas
En 2015, Pan (Viaje a Nunca Jamás) débarquait avec une promesse audacieuse : explorer les origines de Peter Pan, ce héros intemporel né de l’imagination de J.M. Barrie. Pour incarner le redoutable Barbanegra, Warner Bros. avait misé sur Hugh Jackman, alors au faîte de sa gloire post-X-Men. Problème ? Le personnage, censé être une menace terrifiante, se révélait aussi crédible qu’un pirate de pacotille. Là où le Capitaine Crochet de Dustin Hoffman dans Hook (1991) mêlait élégance et cruauté, ce Barbanegra oscillait entre caricature et ennui, malgré le charisme naturel de l’acteur.
Pire encore : son rôle dans l’intrigue était d’une minceur déconcertante. Barbanegra aurait dû être le pilier d’une mythologie sombre, un antagoniste dont la simple présence fait frémir. À la place, il errait dans un décor surchargé, livrant des répliques creuses et des combats aériens sans enjeu. « On dirait un méchant sorti d’un jeu vidéo des années 2000 », résumait The Guardian dans sa critique cinglante. Même les fans de Jackman ont été déçus : son personnage, loin d’être mémorable, semblait perdu dans son propre film.
À titre de comparaison, Maleficent (2014) avait réussi à réinventer un méchant Disney en lui donnant une profondeur psychologique. Ici, Barbanegra restait un fantôme – littéralement et figurément. Une occasion manquée d’autant plus frustrante que le film aurait pu explorer sa rivalité avec Crochet, ou son lien avec les fées de Nunca Jamás. Mais non : le scénario préférait s’enliser dans des rebondissements prévisibles et un rythme molasson.
Nunca Jamás : Un paradis visuel… mais vide
Si Pan a un mérite, c’est bien son direction artistique. Joe Wright, réalisateur d’Anna Karénine et Reviens-moi, avait imaginé un Nunca Jamás à mi-chemin entre le rêve et le cauchemar : des mines de fées scintillantes, des forêts bioluminescentes, et des vaisseaux pirates flottant parmi les nuages. Sur le papier, une réussite. À l’écran ? Un festival de CGI qui étouffait toute émotion.
Le problème ? L’équilibre. Là où Le Labyrinthe de Pan (2006) de Guillermo del Toro utilisait ses décors pour servir l’histoire, Pan (2015) semblait obsédé par le spectacle pour le spectacle. Les couleurs saturées, les séquences en 3D inutiles, et les plans surchargés donnaient l’impression de regarder un parc d’attractions plutôt qu’un film. « C’est beau, mais à quoi bon ? », s’interrogeait Variety, soulignant que la magie s’évaporait sous le poids des pixels.
Pourtant, des idées fortes existaient. Le mélange de steampunk (avec ses machines volantes et ses pirates high-tech) et de fantastique aurait pu créer une identité unique. Les enfants esclaves des mines, exploités pour leur « poussière de fée », offraient même une touche sociale inattendue. Mais ces éléments, mal exploités, se noyaient dans un scénario décousu. Résultat : Nunca Jamás ressemblait à un décor de carton-pâte, magnifique… mais sans âme.
Petite anecdote : Les concept artists avaient initialement imaginé un design bien plus sombre pour les fées, inspiré des créatures de Hellboy. La production a finalement opté pour des êtres lumineux et enfantins – un choix qui a encore brouillé le ton du film.
Le désastre commercial : Quand le marketing tue un film
Avec 150 millions de dollars de budget, Pan était censé être un coup marketing assuré. Las, le film n’a rapporté que 128,9M$ dans le monde – un fiasco qui a laissé des traces chez Warner Bros. Comment expliquer un tel échec ? Par une stratégie à côté de la plaque.
Premier problème : le public cible. Classé PG aux États-Unis (déconseillé aux moins de 10 ans), le film visait officiellement les familles… tout en affichant un ton trop sombre pour les enfants et trop enfantin pour les ados/adultes. Les parents ont boudé un récit complexe, tandis que les fans de dark fantasy ont trouvé le résultat trop édulcoré. « Ni l’un ni l’autre », résumait IndieWire, en pointant un no man’s land marketing fatal.
Deuxième erreur : la communication. Les bandes-annonces mettaient en avant l’action et l’aventure, mais occultaient complètement l’aspect origine story. Résultat : les spectateurs s’attendaient à un Peter Pan classique… et ont découvert un préquel confus. « On nous a vendu du rêve, on a eu un gâchis », témoignait un spectateur sur Reddit, reflétant la déception générale.
Cerise sur le gâteau : la concurrence. Sorti en octobre 2015, Pan devait affronter Spectre (James Bond) et Hotel Transylvania 2. Un suicide commercial, quand on sait que les familles avaient déjà leur dose de divertissement avec le film d’animation de Sony.
La fin d’un rêve de franchise
Avant même sa sortie, Warner Bros. voyait grand : Pan devait être le premier volet d’une saga. Des rumeurs évoquaient une suite centrée sur le Capitaine Crochet, avec peut-être un retour de Garrett Hedlund (Peter Pan) en version adulte. Dix ans plus tard, rien. Le film a été effacé des mémoires, comme jamais il n’avait existé.
Pourtant, des pistes intéressantes existaient. Le personnage de Tiger Lily (Rooney Mara), bien que critiqué pour son whitewashing, aurait pu être approfondi. Les mines de fées offraient un potentiel pour explorer un conflit social entre pirates et autochtones. Et que dire de ce Crochet jeune, à peine esquissé, qui aurait mérité son propre film ?
Mais Warner a préféré tourner la page. Après Pan, le studio s’est recentré sur des valeurs sûres (Harry Potter, DC), laissant ce Peter Pan orphelin errer dans les limbes du cinéma. Ironie du sort : en 2023, Disney a relancé la franchise avec Peter Pan & Wendy… en ignorant totalement l’existence de ce préquel maudit.
Le saviez-vous ? Joe Wright avait initialement envisagé de tourner une partie du film en prises de vues réelles, sans CGI. Le studio a imposé les effets numériques, estimant que le public moderne exigeait du « spectacle ». Une décision qui a, sans doute, scellé le sort du film.
Pourquoi Pan (2015) mérite-t-il une seconde chance ? (Ou pas.)
Alors, Pan (Viaje a Nunca Jamás) est-il vraiment aussi nul qu’on le dit ? Pas entièrement. Le film a ses défenseurs, qui y voient une œuvre ambitieuse mais incomprise. Ses atouts ?
- La bande originale de John Powell, épique et poétique, qui sauve certaines scènes.
- Les décors, quand ils ne sont pas noyés sous le CGI, regorgent de détails fascinants (les costumes des pirates, les machines volantes).
- L’idée de base : explorer la jeunesse de Peter Pan et la guerre des fées était, sur le papier, excitante.
Mais ces qualités ne suffisent pas à sauver un film déséquilibré, où chaque bon moment est immédiatement saboté par un dialogue ridicule ou un effet spécial de trop. « C’est comme si quelqu’un avait mélangé Pirates des Caraïbes, Avatar et un épisode de Doctor Who… sans comprendre ce qui faisait le charme de chacun », résumait un critique sur Metacritic.
Aujourd’hui, Pan reste un cas d’école : celui d’un blockbuster qui a cru que l’argent et les stars suffiraient à créer de la magie. Une leçon que Hollywood semble oublier… avant de la réapprendre, ad nauseam.
Pan (Viaje a Nunca Jamás) aurait pu être un chef-d’œuvre. À la place, il est devenu un fantôme – comme ces enfants perdus de Nunca Jamás, condamnés à errer sans jamais grandir. Entre un Barbanegra raté, un scénario en lambeaux et un marketing catastrophique, le film a tout fait pour saboter ses propres atouts. Pourtant, sous les couches de CGI et les choix douteux, persiste l’écho d’une idée folle et belle : et si Peter Pan n’avait jamais été destiné à grandir ? Dommage que le film, lui, n’ait jamais su devenir adulte.
Pour les curieux, une réhabilitation est-elle possible ? Peut-être, un jour, sous la forme d’un director’s cut ou d’une réinterprétation plus fidèle à la vision originale de Joe Wright. En attendant, Pan reste un rêve brisé – et une preuve que, parfois, trop d’ambition tue l’ambition.





