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007 First Light : un Bond inachevé qui pourrait bien exploser en vol
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Il y a 35 jours

007 First Light : un Bond inachevé qui pourrait bien exploser en vol

IO Interactive tente un pari audacieux avec 007 First Light, une réinvention du mythe Bond sous forme de préquelle interactive. Entre séquences d'action spectaculaires et mécaniques d'infiltration en demi-teinte, le studio danois livre une première impression contrastée : un jeu qui peine à trouver son identité entre l'héritage de Hitman et les codes du blockbuster cinématographique. Pourtant, quand les explosions retentissent et que le chaos s'installe, quelque chose de magique opère...

A retenir :

  • Une origine inédite : Incarnez un James Bond jeune, impulsif et inexpérimenté, loin du spy sophistiqué des films - une première dans l'histoire de la franchise
  • Un mélange explosif : Des séquences d'action dignes d'un Uncharted (combats sur les ailes d'un avion en décollage) contrastant avec des phases d'infiltration moins convaincantes
  • La "Licence to Kill" : Un système de combat contextuel qui ne s'active qu'en situation de légitime défense, renforçant l'immersion
  • L'ADN d'IO Interactive : Des mécaniques d'environnement inspirées de Hitman (distractions, parkour) mais adaptées à un rythme plus cinématographique
  • Un potentiel narratif énorme : Collaboration avec les détenteurs officiels des droits (EON Productions) pour une histoire canon dans l'univers Bond
  • Technique prometteuse : Moteur Glacier amélioré avec des animations fluides et des destructions spectaculaires pendant les phases de chaos
  • Date de sortie mystérieuse : Toujours annoncée comme "à venir" après le report de 2023 - un signe des ambitions du projet ?

Dans l'ombre de Fleming : les origines troubles d'un mythe

Quand Ian Fleming publia Casino Royale en 1953, il créait bien plus qu'un personnage : une archétype culturel. Pourtant, le Bond des premiers romans était loin de l'agent invincible des films - un vétéran de la Seconde Guerre mondiale au caractère sombre, presque cynique. C'est précisément cette dualité que 007 First Light cherche à explorer, en s'attaquant à une période jamais montrée : les premières missions du jeune James Bond, avant qu'il ne devienne le 007 que nous connaissons.

Le choix de IO Interactive n'est pas anodin. Après avoir maîtrisé l'art de l'infiltration avec Hitman, le studio danois s'attaque à une licence bien plus complexe. "Nous voulions montrer comment un homme ordinaire devient une légende", confie Hakan Abrak, directeur créatif, dans une interview accordée à Game Informer. Cette approche explique pourquoi le Bond de First Light est téméraire, imprévisible, et parfois maladroit - à l'opposé du professionnalisme glacial de Daniel Craig.

Historiquement, les jeux Bond ont toujours oscillé entre deux extrêmes :

  • Les adaptations filmiques (GoldenEye 007, Everything or Nothing) : des expériences linéaires centrées sur l'action pure
  • Les créations originales (Nightfire, Blood Stone) : des tentatives d'étendre le mythe avec des résultats mitigés
First Light se positionne comme une synthèse ambitieuse, avec une narration canon validée par EON Productions (les détenteurs officiels des droits). Une première depuis GoldenEye en 1997.

Pour les puristes, notons que le jeu s'inspire librement du roman Young Bond de Charlie Higson (2005), tout en prenant des libertés créatives. La période choisie - les années 1950, avant sa promotion au rang de 007 - permet d'éviter les contradictions avec la chronologie des films, tout en explorant un Bond plus "humain".


Colonia, août 2023 : quand le sigilo déçoit et l'action électrise

Notre session à la Gamescom commença par une démonstration en deux temps, révélant les deux visages contradictoires du jeu. La première partie, centrée sur l'infiltration d'une villa suisse, laissa une impression mitigée. Malgré des animations fluides (le célèbre moteur Glacier d'IO, optimisé pour les nouvelles générations), les mécaniques de sigilo peinent à convaincre :

  • Un système de couverture basique : Se cacher derrière les meubles ou les murs fonctionne, mais manque de profondeur par rapport à Hitman 3
  • Des distractions limitées : Lancer un objet ou éteindre les lumières reste possible, mais les réactions des PNJ sont prévisibles
  • Un parkour utilitaire : Escalader les façades est possible, mais sans la liberté d'un Assassin's Creed

"C'était comme jouer à un Hitman en mode facile, mais sans la satisfaction tactique", résume Julien Chièze, journaliste chez Canard PC, présent lors de la même session. Le problème vient peut-être de l'identité hybride du jeu : ni tout à fait un stealth game, ni un shooter pur.

Puis vint le moment où tout bascula. Quand la couverture de Bond est吹牛 (démasquée), le jeu active sa "Licence to Kill" - un système qui n'autorise les tirs qu'en situation de légitime défense. S'ensuit une course-poursuite en voiture d'une intensité rare, où chaque dérapage, chaque explosion semble peser physiquement. Le contraste avec la première partie est frappant :

Sigilo (Première partie) Action (Seconde partie) Mécaniques génériques Système de "Licence to Kill" innovant Rythme lent Chaos contrôlé (destructions, réactions dynamiques) IA prévisible Comportements ennemis variés (fuite, contre-attaque)

La séquence finale sur la piste d'atterrissage, où Bond affronte des dizaines d'ennemis tout en tentant de monter dans un avion en mouvement, rappelle les meilleurs moments de Uncharted 4 - mais avec une touche Bond : l'élégance dans le chaos. "Les animations de combat sont incroyablement fluides", note un développeur présent lors de la démo, soulignant le travail sur les transitions entre les actions (sauter d'une voiture à l'autre, se suspendre aux ailes de l'avion).


Derrière le rideau : les défis techniques d'un jeu "Bond"

Créer un jeu James Bond en 2024 pose des défis uniques, comme l'explique Mette Andersen, productrice principale chez IO Interactive, dans une interview technique exclusive :

"Nous devons respecter trois piliers :
  1. L'authenticité : Chaque arme, chaque véhicule doit correspondre à l'époque (années 1950)
  2. Le réalisme cinématographique : Les explosions doivent sonner comme dans un film Bond
  3. La jouabilité moderne : Un équilibre entre simulation et accessibilité
Le moteur Glacier a dû être entièrement repensé pour gérer les destructions massives tout en maintenant 60 FPS."

Quelques chiffres clés révélés lors de la présentation technique :

  • 12 mois de R&D rien que pour le système de physique des véhicules (collisions, dérapages)
  • 40 armes historiques modélisées, dont le célèbre Walther PPK (le pistolet emblématique de Bond)
  • Un système d'IA capable de gérer jusqu'à 50 ennemis simultanés pendant les séquences de chaos
  • La technologie "Licence to Kill" : 3 ans de développement pour un système qui analyse en temps réel la menace immédiate

Un détail technique particulièrement impressionnant : le système de dommages réalistes. Contrairement à la plupart des jeux d'action, où les balles ont un impact générique, First Light simule :

  • La trajectoire des projectiles (ricochets, pénétration des matériaux)
  • Les blessures spécifiques (un tir dans le bras affecte la précision, etc.)
  • Les réactions environnementales (le verre se brise différemment selon le calibre)

"Nous avons travaillé avec des conseillers militaires pour les séquences de combat, et avec des historiens pour les décors", précise Andersen. Cette rigueur se voit dans des détails comme les uniformes des gardes (inspirés des services secrets britanniques des années 1950) ou les véhicules d'époque (comme la Jaguar Mark VII conduite par Bond).


L'héritage empoisonné : pourquoi les jeux Bond échouent (et comment First Light pourrait réussir)

Depuis GoldenEye 007 (1997), la licence Bond a connu une histoire mouvementée dans le jeu vidéo. Analysons les erreurs passées et comment First Light tente de les éviter :

Chronologie des jeux Bond (1997-2024)

  • 1997 : GoldenEye 007 (N64) - Succès critique (96% Metacritic)
  • 2000 : The World Is Not Enough (N64) - Accueil mitigé (75%)
  • 2004 : Everything or Nothing (PS2) - Échec commercial (mélange action/aventure)
  • 2010 : Blood Stone (PS3/X360) - Critiqué pour son scénario faible (63%)
  • 2012 : 007 Legends - Catastrophe (45%), trop linéaire

Les raisons de ces échecs ? Trois problèmes récurrents :

  1. L'identité floue : Ni vraiment un FPS, ni un jeu d'infiltration pur
  2. Le manque d'innovation : Reprise des mêmes mécaniques sans évolution
  3. Les licences mal exploitées : Scénarios génériques sans lien avec l'univers Bond

First Light aborde ces problèmes différemment :

  • Un angle narratif unique : La jeunesse de Bond, jamais explorée en jeu
  • Un gameplay hybride : Mélange d'infiltration (héritage Hitman) et d'action spectaculaire
  • Une collaboration étroite avec EON Productions pour garantir l'authenticité
  • Un moteur technique moderne : Capable de rivaliser avec les blockbusters AAA

Pourtant, des doutes persistent. "Le sigilo semble sous-développé pour un jeu d'espionnage"*, critique Thomas C., rédacteur en chef de JeuxVideo.com, présent à la démo. La question centrale reste : First Light saura-t-il concilier les attentes des fans de Hitman et celles des amateurs de blockbusters ?


Le pari narratif : entre fidélité et réinvention

Ce qui distingue First Light de ses prédécesseurs, c'est son ambition narrative. Contrairement aux jeux Bond précédents, souvent limités à des scénarios génériques, IO Interactive collabore avec des scénaristes ayant travaillé sur les films (dont un ancien de Skyfall) pour créer une histoire canon.

Quelques éléments révélés lors de la Gamescom :

  • Un Bond vulnérable : Le jeu explore ses doutes et ses erreurs de jeunesse, loin du héros invincible
  • Des personnages secondaires charismatiques : Incluant des figures historiques comme Bill Tanner (futur chef d'état-major du MI6)
  • Un système de choix moraux : Certaines décisions auront un impact sur les missions suivantes
  • Une structure épisodique : Chaque mission correspond à une étape de la formation de Bond

L'intrigue se déroulerait sur plusieurs années, montrant l'évolution de Bond :

"La première mission (celle montrée à la Gamescom) se passe en 1950, alors que Bond est encore un simple agent de terrain. Le jeu devrait couvrir jusqu'à sa promotion au rang de 007 en 1953, avec des sauts temporels entre les missions.", explique un développeur sous couvert d'anonymat.

Un détail intéressant : le jeu intégrera des références subtiles aux films et livres, comme :

  • La première rencontre avec Q (alors simple technicien)
  • Des clins d'œil aux villains classiques (un personnage ressemble étrangement à un jeune Ernst Stavro Blofeld)
  • La fameuse réplique "Shaken, not stirred" prononcée... mais dans un contexte inattendu

Pour les puristes, IO Interactive promet aussi un mode "Connaisseur" débloquable après la première partie, avec :

  • Des commentaires audio sur l'histoire de la franchise
  • Des documents d'archives (plans du MI6, dossiers classifiés)
  • Une chronologie interactive reliant le jeu aux films et livres

Ce qui frappe, c'est la volonté de créer une expérience immersive qui dépasse le simple jeu d'action. "Nous voulons que les joueurs ressentent ce que c'est que de devenir Bond, avec ses doutes et ses triomphes", résume Hakan Abrak. Une approche qui rappelle le storytelling environnemental d'un The Last of Us, mais adaptée à l'univers de l'espionnage.


L'impact industriel : pourquoi ce jeu pourrait redéfinir les licences cinématographiques

Au-delà de ses qualités intrinsèques, 007 First Light pourrait marquer un tournant dans la façon dont les licences cinématographiques sont adaptées en jeux vidéo. Plusieurs éléments le suggèrent :

  1. Un modèle de collaboration inédit :

    Pour la première fois, un studio de jeu (IO Interactive) travaille en étroite synchronicité avec les détenteurs des droits (EON Productions) dès la phase de conception. Contrairement aux adaptations passées (où le jeu arrivait après le film), ici le scénario a été validé comme canon par les gardiens de la franchise.

  2. Une approche "transmedia" pionnière :

    Le jeu ne se contente pas de reprendre l'univers Bond - il l'étend. Des rumeurs (non confirmées) évoquent même des ponts narratifs avec le prochain film de la franchise, prévu pour 2025. Une première depuis GoldenEye.

  3. Un test pour l'industrie :

    Si First Light réussit, il pourrait ouvrir la voie à d'autres adaptations ambitieuses de licences ciné. "Les studios regardent ce projet de très près"*, confie une source chez Ubisoft, évoquant des discussions similaires pour des franchises comme Star Wars ou Indiana Jones.

  4. Un défi pour les jeux narratifs :

    Avec son mélange de gameplay émergent (hérité de Hitman) et de narration cinématographique, le jeu pourrait redéfinir ce qu'on attend d'un jeu narratif d'action. "C'est peut-être le premier jeu qui parvient vraiment à capturer l'essence d'un film Bond : le mélange de style, de danger et d'humour"*, analyse Laura Kate Dale, journaliste spécialisée.

Un succès commercial de First Light aurait aussi des conséquences concrètes :

  • Pour IO Interactive : Une confirmation de leur capacité à gérer des licences AAA après le rachat par Embracer Group en 2021
  • Pour Sony : Un renforcement de leur catalogue d'exclusivités (le jeu est prévu en temporaire exclusivité PlayStation)
  • Pour la franchise Bond : Une nouvelle source de revenus et d'engagement des fans en attendant le prochain film

Cependant, les risques sont réels. Un échec commercial pourrait :

  • Décourager les studios de jeux à investir dans des licences ciné complexes
  • Remettre en cause la stratégie de jeux narratifs ambitieux chez les éditeurs
  • Affaiblir la crédibilité d'IO Interactive après le succès de la trilogie Hitman World of Assassination

Dans ce contexte, la pression est immense. "Ce n'est pas juste un jeu, c'est un test pour toute l'industrie"*, résume un analyste de Newzoo. Les ventes des premiers mois seront scrutées avec attention.

007 First Light incarne un pari audacieux : réinventer James Bond en jeu vidéo tout en respectant six décennies de mythologie. Les impressions de la Gamescom révèlent un titre inégal, où des séquences d'action époustouflantes (la course sur l'aile de l'avion restera dans les annales) coexistent avec des mécaniques d'infiltration en retrait par rapport à Hitman. Pourtant, c'est précisément cette dualité qui pourrait faire la force du jeu : un Bond humain, imparfait, en devenir.

Le vrai défi pour IO Interactive sera de trouver l'équilibre entre :

  • La fidélité à l'univers Bond (élégance, espionnage, gadgets)
  • L'innovation gameplay (mélange action/sigilo, narration interactive)
  • Les attentes des joueurs (fans de Hitman vs amateurs de blockbusters)

Avec un potentiel narratif énorme (une histoire canon, des personnages charismatiques) et une technique impressionnante (moteur Glacier poussé à ses limites), First Light a tous les atouts pour devenir le jeu Bond que les fans attendent depuis GoldenEye. À condition que le studio danois parvienne à polir ses angles morts - notamment ce sigilo qui peine à convaincre. Une chose est sûre : quand le jeu explosera (littéralement) sur nos écrans, ce ne sera pas un simple shooter de plus, mais bien une réinterprétation interactive d'un mythe culturel. Et ça, ça mérite qu'on lui donne sa chance. Shaken, not stirred.

L'Avis de la rédaction
Par Nakmen
*"Un Bond qui trébuche sur ses propres lacets ?* **Enfin un 007 qui me ressemble après trois verres de vodka-martini !**" IO Interactive joue les funambules entre *Hitman* et *Uncharted*, mais le sigilo a des allures de stage de permis moto : on sent le moteur (Glacier) qui tousse. **L’action, elle, explose comme un shaker mal secoué** – enfin du Bond qui assume son côté *"licence to spill my drink"*. *"Shaken, not stirred"* ? Ici, c’est le gameplay qui est secoué. **À suivre, mais avec un cocktail à portée de main.** 🍸🔫

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Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Nakmen