Il y a 28 jours
Bwipo dans la tourmente : entre excuses tardives et polémique sur les esports féminins – FlyQuest suspend son joueur
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Pourquoi la polémique autour de Bwipo divise-t-elle l’esport ?
Gabriël *« Bwipo »* Rau, star de FlyQuest en LTA, a provoqué un tollé avec des déclarations jugées sexistes sur les joueuses pendant leurs règles. Entre excuses tardives, suspension immédiate par son équipe, et un débat relancé sur la place des femmes dans l’esport, l’affaire soulève des questions sur les stéréotypes persistants et la responsabilité des influenceurs. Alors que Riot Games et la LTA pourraient alourdir les sanctions, les réactions des joueuses pros et des organisations révèlent un secteur encore en pleine crise d’inclusion.
A retenir :
- Propos controversés : Bwipo affirme que *« certaines périodes du mois ne sont pas propices à la compétition pour les femmes »*, s’appuyant sur une anecdote personnelle, déclenchant une vague de critiques.
- Sanctions rapides : FlyQuest le suspend pour les LTA Playoffs et reverse ses gains à des associations comme Women in Games, mais l’absence de réaction de Riot Games intrigue.
- Chiffres accablants : Seulement 5 % des athlètes esports sont des femmes (*The Esports Observer*, 2022), un déséquilibre lié aux stéréotypes plus qu’aux capacités.
- Réactions divisées : Des joueuses comme Saca (ex-Cloud9) ou Sjokz dénoncent une *« généralisation dangereuse »*, tandis que des organisations comme G2 Esports restent silencieuses.
- Question ouverte : Cette polémique peut-elle accélérer les mesures pour une meilleure inclusion dans l’esport, ou révèle-t-elle un problème plus profond ?
« Une erreur grossière » : quand Bwipo enfonce le clou des stéréotypes
Le 2 septembre 2024, lors d’un stream suivi par des milliers de spectateurs, Gabriël *« Bwipo »* Rau, joueur emblématique de FlyQuest en League of Legends, lance une déclaration qui fera date : *« Certaines périodes du mois ne sont pas propices à la compétition pour les femmes. »* Pour appuyer ses propos, il évoque son expérience avec une ex-compagne joueuse, dont les performances auraient fluctué selon son cycle menstruel. Problème : en quelques secondes, le streamer vient de réactiver un cliché tenace – celui d’une prétendue infériorité physique des femmes dans l’esport – et de s’attirer les foudres de la communauté.
Parmi les premières à réagir, Eefje *« Sjokz »* Depoortere, figure respectée de l’esport et ancienne présentatrice des LEC, qualifie ses propos d*« ignorants »* sur X (ex-Twitter). *« On ne parle pas de sport physique ici, mais de réflexion, de stratégie et de mécanique de jeu »*, rappelle-t-elle, soulignant l’absurdité d’un argument biologique dans un domaine où l’agilité mentale prime. D’autres voix s’élèvent, comme celle de Emily *« Saca »* Rand, ex-joueuse pro chez Cloud9, qui dénonce une *« généralisation dangereuse »* : *« Les règles affectent chaque femme différemment, et certaines n’ont aucun impact sur leurs performances. Le vrai problème, c’est le manque de préparation mentale et d’entraînement, pas la biologie. »*
Pourtant, Bwipo ne semble pas mesurer l’ampleur de ses mots. Pendant une semaine entière, le silence radio. Jusqu’à ce 10 septembre, où il publie enfin des excuses sur X, reconnaissant *« une erreur grossière »* et des propos *« irrespectueux envers les femmes »*. *« J’ai utilisé ma plateforme pour alimenter la haine au lieu de soutenir »*, écrit-il, promettant une *« réflexion approfondie »*. Trop peu, trop tard pour certains. *« Des excuses écrites, sans face-à-face, sans véritable engagement… C’est du damage control »*, commente un utilisateur sur Reddit, reflétant le scepticisme ambiant.
« Dans l’esport, les mots ont un poids démultiplié. Quand une star comme Bwipo tient de tels propos, ça légitime des préjugés déjà ancrés. » — Marine *« Sheever »* Jedeon, commentatrice esports.
FlyQuest frappe fort… mais est-ce suffisant ?
Contrairement à son joueur, FlyQuest réagit sans attendre. Dès le 5 septembre, l’organisation annonce la suspension de Bwipo pour la série décisive des LTA Playoffs contre Vivo Keyd Stars, une sanction symbolique mais lourde de conséquences : le joueur rate une compétition majeure, et ses gains récents sont reversés à des associations comme Women in Games ou AnyKey, qui œuvrent pour l’inclusion dans le gaming. *« Nous condamnons fermement ces propos, qui vont à l’encontre de nos valeurs »*, déclare l’équipe dans un communiqué.
Une décision saluée par une partie de la communauté, mais qui laisse planer des questions. Pourquoi une suspension aussi courte ? Pourquoi pas une formation obligatoire sur les enjeux de genre, comme l’ont imposée d’autres ligues (ex. : Overwatch League) dans des cas similaires ? Surtout, l’absence de réaction de Riot Games – pourtant connu pour sa politique zéro tolérance envers les discriminations – interloque. *« Riot a sanctionné des joueurs pour des insultes en soloQ, mais là, sur un sujet aussi sensible, silence radio… »*, s’étonne un journaliste de Dexerto.
Du côté de la LTA (Ligue brésilienne où évolue FlyQuest), une *« évaluation interne »* serait en cours, selon une source anonyme. Mais sans garantie de sanctions supplémentaires. *« On attend de voir si Riot ou la LTA vont prendre le relais. Pour l’instant, c’est FlyQuest qui porte seule le fardeau »*, analyse un observateur.
Esport féminin : le vrai problème n’est pas biologique, mais culturel
Au-delà de l’affaire Bwipo, cette polémique relance un débat récurrent : pourquoi les femmes restent-elles si peu représentées dans l’esport professionnel ? Les chiffres sont sans appel : selon une étude de The Esports Observer (2022), seulement 5 % des athlètes esports sont des femmes. Un déséquilibre que les experts attribuent moins à des limites physiques qu’à des barrières culturelles :
- Stéréotypes persistants : L’idée que les femmes seraient *« moins compétitives »* ou *« trop émotionnelles »* pour l’esport reste ancrée, malgré des contre-exemples comme Katherine *« Mystik »* Gunn (championne de *Halo*) ou Sasha *« Scarlett »* Hostyn (star de *StarCraft II*).
- Manque de modèles : Peu de joueuses en haut niveau → peu de jeunes filles qui osent se lancer. *« Quand tu ne vois pas de femmes comme toi en compétition, tu te dis que ce n’est pas pour toi »*, explique une joueuse amateur.
- Environnement toxique : Harcèlement en ligne, remarques sexistes en tournois… *« Beaucoup abandonnent par lassitude, pas par manque de talent »*, confie une membre de Game Changer, une ligue 100 % féminine.
Pourtant, des initiatives émergent. Riot Games a lancé en 2023 le programme « Game Changers » pour les tournois Valorant, réservés aux femmes et aux genres minorisés. *« L’objectif n’est pas de séparer, mais de créer un espace safe pour progresser »*, explique une organisatrice. Résultat : une hausse de 20 % des inscriptions féminines en un an. Preuve que quand les opportunités existent, les talents suivent.
« On ne naît pas moins douée pour l’esport, on le devient à force de se heurter à des portes fermées. » — Julia *« Juliano »* Kiran, cofondatrice de Women in Esports.
Le syndrome de l’iceberg : quand une polémique en cache une autre
Derrière l’affaire Bwipo se cache une réalité plus large : l’esport a un problème avec ses femmes. Et pas seulement en tant que joueuses. Les streamers, commentatrices, ou managers féminines subissent aussi leur lot de discriminations. En 2023, une enquête de Bloomberg révélait que 40 % des femmes dans l’esport avaient été victimes de harcèlement ou de propos dévalorisants. *« On me demande encore si je ‘comprends vraiment le jeu’ quand je commente un match »*, témoigne une journaliste.
Pire : certaines organisations instrumentalisent la cause féminine sans agir. *« Des équipes signent une joueuse pour le buzz, puis la laissent sur le banc. C’est du pinkwashing »*, dénonce une ancienne pro. Un exemple frappant : en 2022, une structure LEC avait recruté une joueuse pour son équipe académique… avant de la licencier trois mois plus tard, faute de *« résultats suffisants »*. *« On nous donne une chance, mais jamais les mêmes moyens que les hommes »*, résume-t-elle, amère.
Dans ce contexte, la polémique Bwipo agit comme un révélateur. *« Ce n’est pas un cas isolé, c’est la pointe de l’iceberg »*, estime Sjokz. *« Tant que les mentalités ne changeront pas en profondeur, on aura toujours des ‘Bwipo’ qui penseront pouvoir dire n’importe quoi. »*
Et maintenant ? Trois scénarios pour la suite
Alors, que peut-il se passer après cette tempête médiatique ? Trois pistes se dessinent :
- Le statu quo : Bwipo revient après sa suspension, l’affaire s’essouffle, et rien ne change. *« L’esport a une mémoire courte »*, rappelle un ancien joueur. Risque : normalisation de tels propos.
- L’effet domino : Sous la pression, Riot Games ou la LTA durcissent leurs règles (formations obligatoires, sanctions financières). *« Si FlyQuest a agi, pourquoi pas les autres ? »*, interroge un fan.
- Un tournant : La polémique pousse à une réflexion collective. Plus de tournois mixtes, des quotas dans les académies, une charte éthique pour les streamers… *« Crise = opportunité »*, comme le dit un proverbe.
Reste une question : Bwipo tirera-t-il les leçons de cette affaire ? Son avenir chez FlyQuest – et sa crédibilité – en dépendent. *« Les excuses, c’est bien. Les actes, ce sera mieux »*, résume Saca.