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Cronos: The New Dawn – Bloober Team entre ambition narrative et héritage maladroit du survival horror
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Il y a 35 jours

Cronos: The New Dawn – Bloober Team entre ambition narrative et héritage maladroit du survival horror

Un hommage trop fidèle aux travers du genre ?

*Cronos: The New Dawn* s’aventure sur les traces de Dead Space avec une Pologne cyberpunk ravagée et une atmosphère oppressante, mais trébuche là où ses inspirations avaient su évoluer. Entre une direction artistique envoûtante et des mécaniques de gameplay datées (combats rigides, déplacements tank-like, inventaire punitif), le jeu de Bloober Team peine à trouver son équilibre. Malgré un lore riche et des décors saisissants, l’expérience se transforme trop souvent en corvée logistique, loin de la fluidité d’un *The Callisto Protocol* ou de la tension narrative d’un *Silent Hill 2 (2024)*. Un titre qui sacrifie le plaisir de jouer sur l’autel d’un réalisme mal maîtrisé, malgré des fulgurances visuelles et une ambiance sonore immersive.

A retenir :

  • Inspiration assumée : *Cronos* puise dans Dead Space et Silent Hill pour un survival horror cyberpunk en Pologne post-apocalyptique, avec une direction artistique réussie mais des mécaniques vieillissantes.
  • Combats frustrants : La fusion des ennemis (mécanique centrale) est sous-exploitée, les déplacements rigides rappellent les années 90, et les barils explosifs deviennent une béquille peu élégante.
  • Exploration punitive : Un inventaire limité et des allers-retours constants transforment l’aventure en gestion de ressources fastidieuse, sans la récompense narrative ou ludique escomptée.
  • Ambiance vs. Jouabilité : Bloober Team excelle dans les décors angoissants et le lore, mais sacrifie la fluidité (ex. : *Layers of Fear 2* évitait ces écueils).
  • Comparaisons cruelles : À l’ère de *The Callisto Protocol* (2022) ou du remake de *Silent Hill 2* (2024), *Cronos* semble en retard d’une génération, malgré ses qualités scéniques.
  • Un paradoxe immersif : Le jeu captivera les amateurs de lore et d’horreur atmosphérique, mais découragera les joueurs par son manque de dynamisme et ses choix de design discutables.

Entre hommage et malédiction : quand l’héritage du survival horror devient un boulet

Imaginez une Pologne ravagée, où le temps lui-même semble s’être déchiré sous l’effet d’un cataclysme inconnu. Les rues de Varsovie, jadis vibrante, ne sont plus que des carcasses de béton et d’acier, baignées dans une lumière bleutée de néons mourants. C’est dans ce décor que *Cronos: The New Dawn* plante son récit, entre horreur lovecraftienne et cyberpunk désenchanté. Bloober Team, le studio derrière *Layers of Fear* ou *The Medium*, y déploie une ambiance sonore hypnotique et des décors à couper le souffle – mais derrière cette façade se cache un jeu qui peine à se détacher de ses influences, au point d’en reproduire les pires archaismes.

Dès les premières minutes, le parallèle avec Dead Space (2008) saute aux yeux : une héroïne solitaire, des créatures monstrueuses aux membres difformes, et une mécanique de démembrement censée ajouter une couche stratégique. Sauf que là où Visceral Games avait su équilibrer tension et jouabilité, Bloober Team semble obsédé par le réalisme au détriment du plaisir de jouer. Résultat ? Des combats qui tournent rapidement à la corvée, et une sensation de déjà-vu peu flatteuse.


Incroyable, mais vrai : en 2024, *Cronos* nous ramène aux pires excès des survival horror des années 90. Les ennemis, bien que terrifiants sur le papier (des amas de chair en mutation perpétuelle), perdent leur impact dès qu’il s’agit de les affronter. La fusion des adversaires, mécanique censée être centrale, se résume souvent à appuyer sur un bouton pour déclencher une animation – sans réelle profondeur tactique. Pire, le système de déplacement "tank-like" de La Viajera (notre protagoniste) rappelle les contrôles rigides de Resident Evil 1, sans en justifier la nostalgie. Dans un genre où des titres comme *The Callisto Protocol* ont réinventé la fluidité, *Cronos* donne l’impression de recule.

"On a misé sur l’ambiance, le reste suivra" – le pari risqué de Bloober Team

Bloober Team a toujours eu un talent incontestable pour les univers visuels. *Layers of Fear 2* (2019) en était la preuve : un jeu où l’horreur psychologique naissait des décors et de l’ambiance, bien plus que des mécaniques de gameplay. Avec *Cronos*, le studio pousse cette logique à l’extrême – et c’est là que le bât blesse. Car si les couloirs sombres, les éclairages dynamiques et les détails sonores (les gémissements lointains, les grincements métalliques) sont impeccables, ils ne suffisent pas à masquer les faiblesses structurelles du jeu.

Prenez l’exploration, pilier du genre. Dans *Cronos*, elle se transforme en épreuve d’endurance. Pourquoi ? À cause d’un inventaire limité à 8 slots (oui, vous avez bien lu), qui oblige à des allers-retours constants entre les zones sûres et les lieux de quête. Les portes verrouillées et les chemins alternatifs pullulent, mais leur exploration est rarement gratifiante : les récompenses se résument souvent à des composants de craft basiques ou des fragments de lore trop éparpillés. Silent Hill 2 (2024), lui, prouvait qu’on pouvait exiger du joueur sans le frustrer inutilement – en équilibrant difficulté et progression narrative. Ici, on a parfois l’impression que Bloober Team a confondu "difficile" avec "pénible".


Et que dire des combats ? Le lance-flammes, arme principale, est sous-alimenté en munitions, forçant à dépendre des barils explosifs disséminés un peu partout – une solution de facilité qui casse toute tension. Les ennemis, bien que designés avec soin, deviennent rapidement des cibles passives : leur IA se résume à charger droit devant, sans réelle stratégie d’adaptation. Dommage, quand on sait que des jeux comme *Signalis* (2022) ont su moderniser la formule avec des mécaniques de survie bien plus abouties.

Derrière le rideau : les coulisses d’un développement ambitieux (mais chaotique)

Saviez-vous que *Cronos: The New Dawn* était à l’origine conçu comme un jeu narratif linéaire, avant que Bloober Team ne décide d’y ajouter des éléments de survival horror "classique" ? Cette volte-face, révélée lors d’une interview avec Game Informer en 2023, explique peut-être les incohérences du gameplay. Le studio, habitué aux expériences contemplatives (*Observer*, *The Medium*), semble avoir sous-estimé les défis d’un jeu axé sur l’action et la gestion de ressources.

Autre détail révélateur : les décors du jeu sont inspirés de lieux réels en Pologne, comme les usines abandonnées de Łódź ou les bunkers de la Guerre froide. L’équipe a même collaboré avec des historiens locaux pour recréer une atmosphère post-soviétique crédible. Pourtant, cette richesse contextuelle se perd dans une narration éclatée, où les sauts temporels (un des thèmes centraux) sont plus déroutants que captivants. Comme si le studio avait trop misé sur le style, au détriment de la substance.


Petite anecdote : lors d’une session de test en 2022, des joueurs ont signalé que les ennemis fusionnaient entre eux de manière aléatoire, rendant certains combats impossibles à gagner. Plutôt que de repenser la mécanique, Bloober Team a ajusté les points de vie… une solution de dernier recours qui en dit long sur les compromis du développement.

Le lore, seule lumière dans l’obscurité ?

Si *Cronos* déçoit sur le plan ludique, il se rattrape partiellement par son univers. L’histoire, centrée sur La Viajera (une voyageuse temporelle piégée dans un futur cauchemardesque), explore des thèmes comme la boucle temporelle, la culpabilité, et la déchéance de l’humanité. Les documents audio et les notes éparpillées révèlent une mythologie complexe, où une organisation secrète (le Chronos Institute) aurait provoqué l’apocalypse en manipulant le temps.

Certains passages, comme les visions oniriques où le joueur incarne d’autres personnages, rappellent le génie narratif de *The Medium* (2021). Malheureusement, ces moments de grâce sont trop rares, noyés sous des séquences de combat répétitives ou des énigmes mal conçues. Par exemple, une quête secondaire demande de retrouver 5 artefacts disséminés dans la carte… sans aucune indication. Une chasse au trésor qui aurait pu être passionnante, si elle n’était pas aussi frustrante.


Comparaison culturelle : l’ambiance de *Cronos* évoque étrangement le film Stalker (1979) d’Andrei Tarkovski – un monde en ruine où le temps semble suspendu, et où chaque détail compte. Mais là où le cinéma peut se permettre une lenteur contemplative, un jeu vidéo doit justifier chaque minute passée par le joueur. Et c’est là que *Cronos* trébuche.

Verdict : un jeu pour les masochistes de l’ambiance, pas pour les amateurs de gameplay

Alors, *Cronos: The New Dawn* vaut-il le détour ? Tout dépend de ce que vous cherchez. Si vous êtes un inconditionnel des univers sombres, des lores denses et des ambiances sonores envoûtantes, vous trouverez ici de quoi vous satisfaire – à condition d’accepter des compromis énormes sur la jouabilité. Les autres, surtout ceux habitués aux standards modernes du genre (*Resident Evil Village*, *The Callisto Protocol*), risquent de décrocher rapidement.

Le plus douloureux, c’est que Bloober Team avait tout pour réussir : un cadre unique, une direction artistique forte, et une expérience narrative ambitieuse. Mais en négligeant les fondamentaux du gameplay, le studio a gâché son potentiel. *Cronos* reste un jeu fascinant à observer, mais éprouvant à jouer – une œuvre inégale, à l’image de son héroïne, piégée entre deux époques, sans jamais trouver sa place.

*Cronos: The New Dawn* est un paradoxe ambulant : un jeu qui brille par son atmosphère mais s’effondre sous le poids de ses mécaniques. Bloober Team prouve une fois de plus son maîtrise de l’horreur visuelle, mais échoue à transposer cette expertise dans un gameplay cohérent. Entre les combats maladroits, l’exploration punitive et les choix de design datés, le titre semble perdu entre deux ères – trop moderne pour les puristes du survival horror classique, trop archaïque pour les joueurs habitués aux standards actuels.
Pour les fans inconditionnels du studio ou les chasseurs de lore, *Cronos* offre une expérience immersive, à condition d’accepter ses nombreux défauts. Les autres feront mieux de se tourner vers des alternatives comme *The Callisto Protocol* ou le remake de *Silent Hill 2*, qui ont su allier tension et fluidité sans sacrifier l’un pour l’autre. Un jeu à admirer de loin, mais dont on ressort avec un goût d’opportunité manquée.
L'Avis de la rédaction
Par Celtic
*Cronos*, c’est ce pote qui te raconte une blague en 10 minutes pour une chute nulle. Bloober Team a balancé tout son budget dans les néons et les gémissements de monstres, mais oublié de *réfuter* l’idée que "survival horror" = "contrôles de tank et inventaire de SDF". Résultat ? Un jeu si beau qu’on a envie d’en faire un fond d’écran… pour masquer qu’on y joue comme un dépressif sous sédatifs. *"Stay awhile and listen"* ? Non merci, Diablo, j’ai déjà assez souffert.

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Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Celtic