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Hideo Kojima : "Pour créer des jeux uniques, il faut arrêter de jouer" – La méthode du génie derrière *Death Stranding 2*
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Il y a 40 jours

Hideo Kojima : "Pour créer des jeux uniques, il faut arrêter de jouer" – La méthode du génie derrière *Death Stranding 2*

Comment Hideo Kojima révolutionne le game design en évitant les jeux vidéo – et pourquoi ça marche

Le créateur de Death Stranding 2: On the Beach (noté 10/10 par la critique) dévoile une méthode contre-intuitive : il ne joue qu’à un titre par an, préférant puiser son inspiration dans le cinéma d’auteur, la littérature expérimentale et les musées. Une approche qui explique l’audace narrative et les innovations techniques (moteur Decima, cargo physics) de ses œuvres. Entre Hayao Miyazaki et Fumito Ueda, Kojima prouve que l’art transcende les algorithmes – et que les chefs-d’œuvre naissent souvent hors des écrans.

A retenir :

  • Un créateur qui ne joue pas : Hideo Kojima limite son temps de jeu à "un titre par an", privilégiant le cinéma, la littérature et les arts visuels pour nourrir son inspiration.
  • Death Stranding 2 (10/10) : Comment le mélange entre moteur Decima (technologie) et narration poétique (art) a créé un jeu hors des codes AAA traditionnels.
  • L’art comme arme anti-conformisme : Comme Hayao Miyazaki ou Fumito Ueda, Kojima utilise des références extérieures au jeu vidéo pour éviter le fan service et innover.
  • La technologie au service de l’émotion : Décryptage des strand games et de la cargo physics, deux innovations nées d’une vision artistique, pas d’une logique marketing.
  • Le paradoxe Kojima : Il écoute les joueurs, mais refuse de se soumettre à leurs attentes – une philosophie qui divise, mais qui paie (critiques et ventes).

Le tabou de Kojima : "Je ne suis pas un joueur, et c’est une force"

Quand Hideo Kojima, le père de Metal Gear Solid et de Death Stranding 2: On the Beach, déclare lors de la New Global Sport Conference qu’il ne joue "presque jamais" aux jeux vidéo, l’assistance reste bouche bée. Dans une industrie où les créateurs passent des centaines d’heures à analyser la concurrence, cette confession sonne comme une hérésie. Pourtant, c’est précisément cette distance qui explique pourquoi ses œuvres, comme Death Stranding 2 (noté 10/10 par IGN, GameSpot et Famitsu), défient les conventions.

"Je teste mes propres jeux pour les améliorer, mais mon vrai travail commence quand j’éteins la console", confie-t-il. À la place, il engloutit des films cultes (de Tarkovski à Kubrick), dévorer des romans avant-gardistes (comme ceux de Haruki Murakami), et arpente les musées à la recherche d’émotions brutes. "Un jeu par an, tout au plus. Le reste du temps, je cherche l’inspiration là où personne ne regarde.", précise-t-il. Une méthode qui rappelle étrangement celle de Hayao Miyazaki (Studio Ghibli), pour qui l’observation du monde réel prime sur les références sectaires.

Mais pourquoi cette fuite des écrans ? Kojima l’explique sans détour : "Les jeunes créateurs jouent trop, et c’est normal. Mais si vous voulez innover, il faut absorber l’art sous toutes ses formes. Sinon, vous ne ferez que recycler les mêmes idées." Un constat sévère, mais qui trouve écho dans les dérives du AAA moderne : des open worlds interchangeables, des mécaniques copiées-collées, et une narration souvent prévisible. À l’inverse, Death Stranding 2 ose des séquences contemplatives, un système de connexion asynchrone (strand game), et une esthétique onirique directement inspirée du surréalisme cinématographique.


"Le jeu vidéo n’est pas une religion, mais un outil" : la méthode chirurgicale de Kojima

Attention, Kojima ne rejette pas le médium – il le détourne. "J’utilise les jeux comme un miroir, pas comme un manuel", déclare-t-il. Quand il teste un titre, c’est pour en disséquer les mécaniques avec un œil clinique, comme un médecin légiste analysant un corps. "Je cherche les failles, les moments où le joueur se déconnecte. Puis je me demande : comment faire mieux ?"

Cette approche utilitaire a directement influencé Death Stranding 2. Par exemple, le système de cargo physics (où chaque objet transporté réagit de manière réaliste aux mouvements du joueur) est né d’une frustration : "Dans la plupart des jeux, les objets sont des illusions. Je voulais que le joueur ressente le poids, la fatigue, comme dans un film de survie.", explique-t-il. Résultat ? Une immersion inédite, où chaque pas compte.

Autre innovation majeure : les strand games, ces séquences où les joueurs collaborent indirectement en laissant des traces (ponts, échelles) pour les autres. "J’ai étudié comment les réseaux sociaux créent des liens invisibles. Puis j’ai transposé ça dans un jeu, mais sans algorithmes, juste avec de l’émotion.", révèle Kojima. Une idée qui rappelle les théories du philosophe Byung-Chul Han sur la société de la transparence – encore une référence extérieure au jeu vidéo.

Pourtant, cette distance critique a un prix. Certains joueurs reprochent à Death Stranding 2 son rythme lent ou ses mécaniques abstraites. Kojima assume : "Si vous voulez du fast food, allez ailleurs. Moi, je fais de la haute cuisine. Ça ne plaît pas à tout le monde, mais ceux qui aiment en redemandent."


Decima, le moteur qui défie les lois de la physique (et du marketing)

Derrière l’audace narrative de Death Stranding 2 se cache une prodigieuse prouesse technique : le moteur Decima, initialement conçu pour Horizon Zero Dawn par Guerrilla Games. Mais là où d’autres l’utilisent pour des graphismes réalistes, Kojima l’a détourné pour créer des paysages organiques, où chaque élément réagit au joueur.

"Chez Guerrilla, Decima servait à rendre des dinosaures robots crédibles. Moi, je voulais qu’il rende la pluie palpable, le vent oppressant, les montagnes vivantes.", confie-t-il. Pour y parvenir, son équipe a réécrit des parties du code pour intégrer :

  • Une simulation météo dynamique qui influence le gameplay (le vent peut ralentir vos mouvements).
  • Un système de "mémoire environnementale" : les traces laissées par les joueurs persistent et évoluent.
  • Des physiques de cargo ultra-précises, où chaque boîte a un poids, une texture, une résistance.

Un travail de orfèvre qui a demandé 4 ans de R&D, alors que la plupart des AAA se contentent d’optimiser des moteurs existants. "La technologie doit servir la vision, pas l’inverse. Sinon, vous finissez avec des jeux qui se ressemblent tous.", martèle Kojima. Une philosophie qui rappelle celle de Fumito Ueda (Shadow of the Colossus), qui puise dans l’architecture gothique pour concevoir ses niveaux.

Mais ce parti pris a un coût : Death Stranding 2 a frôlé l’overdose technique. "On a dû réduire certaines ambitions pour éviter que le jeu ne tourne qu’à 10 FPS", avoue un développeur sous couvert d’anonymat. Un compromis rare dans l’industrie, où le 60 FPS est souvent une obsession marketing plus qu’artistique.


Le paradoxe Kojima : écouter les joueurs sans leur obéir

"Je ne suis pas un ermite. Je discute avec les joueurs, j’écoute leurs retours. Mais je refuse que leurs attentes dictent mes choix." Cette phrase résume toute la complexité de Kojima : un créateur qui provoque tout en chérissant son public.

Prenez l’exemple des cutscenes dans Death Stranding 2 : certaines durent plus de 30 minutes, avec des dialogues lents, poétiques, voire abstraits. "Les joueurs râlent, mais c’est volontaire. Je veux qu’ils ressentent l’ennui, la solitude, comme Sam [le protagoniste]. Sinon, l’émotion finale n’a aucun impact.", justifie-t-il. Une approche qui divise : sur Metacritic, les notes des joueurs oscillent entre 1/10 ("Trop lent") et 10/10 ("Une œuvre d’art").

Pourtant, Kojima n’est pas sourd aux critiques. Après les retours sur le premier Death Stranding (2019), il a :

  • Simplifié les mécaniques de transport (moins de chutes de colis).
  • Ajouté un mode "facile" pour les joueurs pressés.
  • Équilibré les séquences d’action (plus de combats contre les BTs).

"L’innovation naît du dialogue entre l’art et le public, pas de la soumission à ses désirs.", conclut-il. Une philosophie qui rappelle celle de David Lynch (cinéaste de Twin Peaks), qui disait : "Si vous donnez au public ce qu’il veut, vous allez droit à l’ennui. Il faut lui donner ce qu’il ne sait pas encore désirer."


Kojima vs. l’industrie : pourquoi ses méthodes font peur (et inspirent)

Dans un secteur obsédé par les KPIs, les microtransactions et les formules éprouvées, Kojima est un ovni. Son studio, Kojima Productions, fonctionne comme un atelier d’artiste plus que comme une usine à jeux :

  • Pas de crunch (heures supplémentaires forcées) : "Un développeur épuisé ne peut pas créer de la beauté."
  • Des réunions "sans écrans" : les idées naissent autour de croquis et de discussions libres.
  • Un budget "flexible" : Sony a dû accepter des dépassements pour financer ses folies (comme les captures de mouvement en Islande).

Résultat ? Des jeux qui coûtent cher (le budget de Death Stranding 2 avoisinerait les 100 millions de dollars), mais qui marquent l’histoire. "Kojima est le seul à oser dire à Sony : 'Je veux faire un jeu sur la mort et les liens invisibles, avec Norman Reedus en héros.' Et Sony dit oui.", révèle un insider.

Pourtant, son modèle est difficilement reproductible. Peu de studios peuvent se permettre de :

  • Prendre 6 ans pour développer un jeu (contre 2-3 ans en moyenne).
  • Ignorer les tendances du marché (pas de battle royale, pas de loot boxes).
  • Compter sur un culte de la personnalité (Kojima est une marque à lui seul).

Alors, faut-il tous arrêter de jouer pour créer des chefs-d’œuvre ? Non. Mais Kojima prouve une chose : "Si vous voulez innover, il faut sortir de la bulle. L’art ne naît pas des algorithmes, mais des rencontres improbables – entre un film de Tarkovski, un roman de Kafka, et une balade sous la pluie."

Hideo Kojima n’est pas seulement un créateur de jeux – c’est un alchimiste qui transforme le plomb des influences disparates en or pur. En refusant de s’enfermer dans les codes du secteur, il a donné naissance à Death Stranding 2, un titre qui défie les attentes tout en séduisant la critique. Son secret ? Une équation simple, mais radicale :

Moins de jeux + plus d’art = des expériences uniques.

Dans une industrie où la plupart des studios copient les recettes gagnantes, Kojima rappelle que l’innovation naît souvent là où on ne l’attend pas : dans un musée, un livre oublié, ou une conversation avec un inconnu. "La prochaine fois que vous bloquez sur un niveau, éteignez votre console. Allez voir un film. Lisez un poème. Parlez à quelqu’un qui ne connaît rien aux jeux. C’est là que vous trouverez votre prochaine grande idée.", lance-t-il en guise d’adieu.

Et si la clé du futur du jeu vidéo résidait… dans son absence ?

L'Avis de la rédaction
Par Celtic
Kojima ne joue pas ? *Soupir de soulagement* Enfin quelqu’un qui **réfute** l’idée que pour faire un jeu, faut d’abord en bouffer 500 comme un gamin devant un buffet à volonté. Résultat : *Death Stranding 2* sent le vent islandais et la sueur de Norman Reedus, pas le recyclage de *Call of Duty* en mode "open-world avec des caisses à loot". L’industrie devrait prendre des notes… ou juste arrêter de jouer, visiblement. *"La vie, c’est comme un jeu vidéo, sauf qu’on peut pas recharger la sauvegarde."* — Tonton Philippe, 2004.

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Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Celtic