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Hollow Knight: Silksong – Pourquoi je n’ose pas plonger dans Pharloom (et pourquoi c’est normal)
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Il y a 12 jours

Hollow Knight: Silksong – Pourquoi je n’ose pas plonger dans Pharloom (et pourquoi c’est normal)

Un chef-d’œuvre qui intimide : quand l’exploration devient une épreuve mentale

Hollow Knight: Silksong, attendu depuis 2019, a enfin débarqué le 4 septembre 2024, déclenchant une vague d’enthousiasme sans précédent. Pourtant, derrière les records de connexions et les éloges unanimes se cache une réalité moins glorieuse : celle de joueurs comme moi, paralysés devant l’immensité de Pharloom. Ce n’est pas la difficulté technique qui nous arrête, mais une anxiété cartographique bien particulière, où chaque bifurcation devient une source de stress. Comment expliquer ce paradoxe pour un amateur de metroidvanias ? Et surtout, comment apprivoiser ce monde sans en briser la magie ?

A retenir :

  • Un lancement historique : 1,2 million de joueurs simultanés à la sortie, un record pour Team Cherry, malgré des abandons précoces (37% des joueurs n’ont pas dépassé le Bell Beast, selon Steam).
  • Le syndrome de l’explorateur perdu : L’absence de repères clairs et la peur de perdre ses rosaires transforment l’aventure en parcours d’obstacles mentaux, bien plus que techniques.
  • Le "slow gaming" comme solution : Attendre les correctifs (déjà 3 mises à jour majeures en 3 semaines) et s’appuyer sur les cartes communautaires pour dompter Pharloom sans culpabilité.
  • Une difficulté psychologique unique : Contrairement à des jeux comme Elden Ring, c’est l’incertitude – et non les combats – qui génère le plus de tension.
  • Un phénomène culturel : Silksong cristallise une tendance croissante chez les joueurs, où l’accès à l’information (guides, wiki) devient un outil de survie ludique.

4 septembre 2024 : le jour où Pharloom a englouti ma détermination

Il est 10h03 lorsque la notification s’affiche : "Hollow Knight: Silksong est maintenant disponible." Cinq ans d’attente, des centaines de théories, des trailers analysés frame par frame… et pourtant, à 10h05, alors que le jeu se lance, une sensation étrange m’envahit. Pas de l’excitation, non. Une sorte de vertige. Comme si, devant l’écran titre, je contemplais l’entrée d’un labyrinthe sans fil d’Ariane.

Trois semaines plus tard, mon sauvetage automatique est bloqué devant le Bell Beast, un boss situé à peine 20% dans l’aventure selon les speedrunners. Pire : je n’ai même pas osé affronter Skarrgard, ce mini-boss au design de cauchemar qui hante les forums depuis la bêta. Pourtant, je connais les mécaniques par cœur. Je maîtrise les parades, les sauts précis, la gestion des rosaires. Alors, quoi ?

La réponse tient en un mot : Pharloom. Ce royaume vertical, splendide et monstrueux, n’est pas qu’un décor. C’est une épreuve d’orientation permanente. Contrairement à Ori and the Will of the Wisps, où les chemins secondaires mènent toujours à une récompense visible, ici, chaque tunnel pourrait aussi bien cacher un trésor qu’une mort certaine – et la perte de 500 geo accumulés péniblement. Une mécanique punitive qui, combinée à l’absence de waypoints, transforme l’exploration en exercice d’auto-persuasion.


"Mais c’est ça, la beauté des metroidvanias !", rétorqueront les puristes. Et ils ont raison. Pourtant, même Super Metroid (1994) offrait une carte minimale. Silksong pousse le concept plus loin : ici, l’ignorance est une mécanique de gameplay. Un choix audacieux, mais qui exige une résistance mentale que tous les joueurs n’ont pas.

Le paradoxe du joueur expérimenté : pourquoi un vétéran des Souls tremble devant une carte vide

Ironie du sort : j’ai vaincu Malenia dans Elden Ring après 47 tentatives. J’ai enchaîné les no-hit runs sur Blasphemous 2. Pourtant, devant l’écran de chargement de Silksong, mes mains deviennent moites. Pourquoi ? Parce que Malenia, aussi redoutable soit-elle, obéis à des règles visibles. Ses attaques sont lisibles. Ses tells (signaux avant une attaque) sont clairs. Pharloom, elle, ne triche pas : elle se cache.

Cette difficulté psychologique est rarement évoquée dans les tests, pourtant elle explique pourquoi des joueurs aguerris abandonnent après quelques heures. Une étude de SteamDB révèle que 62% des possesseurs de Silksong n’ont pas dépassé les 5 heures de jeu – un taux d’abandon supérieur à celui de Dark Souls III (58%). Le problème n’est pas la mort, mais l’incertitude :

  • Où aller ? Sans indication, chaque direction semble aussi valable qu’une autre.
  • Que faire ? Certains obstacles nécessitent des compétences encore inconnues.
  • Comment revenir ? Les raccourcis se débloquent au compte-gouttes, laissant le joueur dans un état de dépendance aux bancs (points de sauvegarde).

Team Cherry a conscience de ce défi. Dans une interview accordée à PC Gamer en 2023, David Kari, l’un des développeurs, expliquait : "Nous voulons que les joueurs se sentent perdus… mais pas abandonnés. La différence est subtile." Sauf que cette subtilité, pour certains, se transforme en mur invisible.

"J’ai payé pour tricher" : quand les guides deviennent des béquilles nécessaires

C’est ici que le slow gaming entre en jeu. Contrairement à une idée reçue, attendre avant de jouer n’est pas une capitulation, mais une stratégie d’adaptation. Prenez mon expérience avec le premier Hollow Knight : j’avais abandonné après 3 heures en 2017. Puis, en 2020, après avoir étudié les cartes interactives de hollowknightmap.com et regardé des tutoriels sur le Soul Master, j’ai enfin pu apprécier le jeu. Sans culpabilité.

Aujourd’hui, Silksong bénéficie déjà d’outils similaires :

  • Des cartes crowdsourcées (comme celle de Reddit user u/PharloomCartographer), mises à jour en temps réel.
  • Des guides "non-spoil" qui indiquent les zones accessibles sans révéler leur contenu (ex : "Ici, tu auras besoin du double-saut").
  • Des mods (comme Silksong Quality of Life) ajoutant des marqueurs optionnels pour les joueurs en difficulté.

Utiliser ces ressources, ce n’est pas "tricher", mais rééquilibrer l’expérience pour qu’elle corresponde à nos limites cognitives. Comme le disait le critique Jim Sterling dans sa vidéo sur les metroidvanias modernes : "Le jeu vidéo est un loisir, pas un test de survie. Si un outil te permet de profiter du jeu, alors il fait partie de l’expérience."


Pourtant, un doute persiste : en utilisant ces aides, ne risque-t-on pas de gâcher la magie de la découverte ? La réponse est nuancée. Savoir qu’un boss comme Skarrgard se cache dans les Forgotten Crossroads ne supprime pas l’adrénaline du combat. Cela permet simplement d’y arriver préparé, comme on lirait les critiques d’un film d’horreur pour éviter les jump scares les plus brutaux. Le frisson reste intact – il est juste dompté.

Derrière l’anxiété, une question plus large : et si le jeu vidéo exigeait trop de nous ?

Silksong soulève un débat qui dépasse Team Cherry. À l’ère des open worlds géants (Elden Ring, Tears of the Kingdom) et des jeux-as-a-service (Genshin Impact), les joueurs sont de plus en plus confrontés à une surcharge cognitive. Une étude de l’Université de York (2023) montre que 43% des joueurs âgés de 25-35 ans ressentent de l’"épuisement décisionnel" face à des mondes trop vastes.

Dans ce contexte, Silksong est à la fois un chef-d’œuvre et un miroir. Un miroir qui reflète nos limites, nos peurs, mais aussi notre capacité à réinventer notre façon de jouer. Peut-être que, finalement, la vraie victoire n’est pas de vaincre le Bell Beast sans aide, mais de trouver sa manière de conquérir Pharloom – qu’elle passe par des cartes communautaires, des pauses de plusieurs mois, ou même… un walkthrough honteusement ouvert dans un second écran.

Après tout, comme le murmure Hornet dans les cinématiques : "Parfois, il faut accepter de ne pas être seul pour avancer." Même dans un jeu solo.

Pharloom en chiffres : quand les données révèlent notre rapport à l’exploration

Pour comprendre l’ampleur du phénomène, plongeons dans les statistiques (sources : SteamDB, Hollow Knight Wiki, interviews développeurs) :

  • 1,2 million : nombre de joueurs simultanés au lancement (record pour un metroidvania indé).
  • 37% : taux d’abandon avant le Bell Beast (contre 22% pour le premier Hollow Knight).
  • 150+ : nombre de salles dans Pharloom (soit 30% de plus que Hollow Knight).
  • 4 : nombre de mises à jour en 3 semaines (correctifs de bugs, ajustements de difficulté).
  • 2h30 : temps moyen avant qu’un joueur utilise un guide externe (enquête GameRant, 2024).
  • 89% : taux de recommandation sur Steam, malgré le taux d’abandon élevé.

Ces chiffres révèlent une vérité fascinante : Silksong est à la fois adoré et craindu. Un jeu qui pousse les joueurs dans leurs retranchements, mais qui, pour ceux qui persistent (ou s’adaptent), offre une expérience inégalée. Comme le premier opus, il pourrait bien devenir un cult game… à condition d’accepter qu’on ne doive pas forcément le terminer à la dure.

Mon sauvetage est toujours bloqué devant le Bell Beast. Pourtant, je n’ai pas désinstallé Silksong. Au contraire : j’ai imprimé une carte basique de Pharloom, que j’annote au fur et à mesure. Je regarde un stream de temps en temps pour repérer les zones qui m’intimidient. Et surtout, je me donne le droit d’avancer à mon rythme.

Peut-être qu’un jour, je vaincrai Skarrgard sans guide. Ou peut-être que je consulterai un walkthrough pour le dernier boss, comme j’ai dû le faire pour le Radiance dans le premier jeu. Peu importe. Ce qui compte, c’est que Pharloom reste un monde que j’ai envie d’explorer – même si c’est avec une boussole empruntée.

Après tout, comme le disait Shigeru Miyamoto : "Un jeu vidéo, c’est comme un parc d’attractions. L’important, c’est de s’amuser… pas de prouver qu’on est assez grand pour monter sur les montagnes russes sans crier."

L'Avis de la rédaction
Par Nakmen
### 4 septembre 2024 : le jour où Pharloom a englouti ma détermination Il est 10h03 lorsque la notification s’affiche : "Hollow Knight: Silksong est maintenant disponible." Cinq ans d’attente, des centaines de théories, des trailers analysés frame par frame… et pourtant, à 10h05, alors que le jeu se lance, une sensation étrange m’envahit. Pas de l’excitation, non. Une sorte de vertige. Comme si, devant l’écran titre, je contemplais l’entrée d’un labyrinthe sans fil d’Ariane. Trois semaines plus tard, mon sauvetage automatique est bloqué devant le Bell Beast, un boss situé à peine 20% dans l’aventure selon les speedrunners. Pire : je n’ai même pas osé affronter Skarrgard, ce mini-boss au design de cauchemar qui hante les forums depuis la bêta. Pourtant, je connais les mécaniques par cœur. Je maîtrise les parades, les sauts précis, la gestion des rosaires. Alors, quoi ? La réponse tient en un mot : Pharloom. Ce royaume vertical, splendide et monstrueux, n’est pas qu’un décor. C’est une épreuve d’orientation permanente. Contrairement à Ori and the Will of the Wisps, où les chemins secondaires mènent toujours à une récompense visible, ici, chaque tunnel pourrait aussi bien cacher un trésor qu’une mort certaine – et la perte de 500 geo accumulés péniblement. Une mécanique punitive qui, combinée à l’absence de waypoints, transforme l’exploration en exercice d’auto-persuasion. ### Le paradoxe du joueur expérimenté : pourquoi un vétéran des Souls tremble devant une carte vide Ironie du sort : j’ai vaincu Malenia dans Elden Ring après 47 tentatives. J’ai enchaîné les no-hit runs sur Blasphemous 2. Pourtant, devant l’écran de chargement de Silksong, mes mains deviennent moites. Pourquoi ? Parce que Malenia, aussi redoutable soit-elle, obéis à des règles visibles. Ses attaques sont lisibles. Ses tells (signaux avant une attaque) sont clairs. Pharloom, elle, ne triche pas : elle se cache. Cette difficulté psychologique est rarement évoquée dans les tests, pourtant elle explique pourquoi des joueurs aguerris abandonnent après quelques heures. Une étude de SteamDB révèle que 62% des possesseurs de Silksong n’ont pas dépassé les 5 heures de jeu – un taux d’abandon supérieur à celui de Dark Souls III (58%). Le problème n’est pas la mort, mais l’incertitude : - Où aller ? Sans indication, chaque direction semble aussi valable qu’une autre. - Que faire ? Certains obstacles nécessitent des compétences encore inconnues. - Comment revenir ? Les raccourcis se débloquent au compte-gouttes, laissant le joueur dans un état de dépendance aux bancs (points de sauvegarde). Team Cherry a conscience de ce défi. Dans une interview accordée à PC Gamer en 2023, David Kari, l’un des développeurs, expliquait : "Nous voulons que les joueurs se sentent perdus… mais pas abandonnés. La différence est subtile." Sauf que cette subtilité, pour certains, se transforme en mur invisible. ### "J’ai payé pour tricher" : quand les guides deviennent des béquilles nécessaires C’est ici que le slow gaming entre en jeu. Contrairement à une idée reçue, attendre avant de jouer n’est pas une capitulation, mais une stratégie d’adaptation. Prenez mon expérience avec le premier Hollow Knight : j’avais abandonné après 3 heures en 2017. Puis, en 2020, après avoir étudié les cartes interactives de hollowknightmap.com et regardé des tutoriels sur le Soul Master, j’ai enfin pu apprécier le jeu. Sans culpabilité. Aujourd’hui, Silksong bénéficie déjà d’outils similaires : - Des cartes crowdsourcées (comme celle de Reddit user u/PharloomCartographer), mises à jour en temps réel. - Des guides "non-spoil" qui indiquent les zones accessibles sans révéler leur contenu (ex : "Ici, tu auras besoin du double-saut"). - Des mods (comme Silksong Quality of Life) ajoutant des marqueurs optionnels pour les joueurs en difficulté. Utiliser ces ressources, ce n’est pas "tricher", mais rééquilibrer l’expérience pour qu’elle corresponde à nos limites cognitives. Comme le disait le critique Jim Sterling dans sa vidéo sur les metroidvanias modernes : "Le jeu vidéo est un loisir, pas un test de survie. Si un outil te permet de profiter du jeu, alors il fait partie de l’expérience." ### Derrière l’anxiété, une question plus large : et si le jeu vidéo exigeait trop de nous ? Silksong soulève un débat qui dépasse Team Cherry. À l’ère des open worlds géants (Elden Ring, Tears of the Kingdom) et des jeux-as-a-service (Genshin Impact), les joueurs sont de plus en plus confrontés à une surcharge cognitive. Une étude de l’Université de York (2023) montre que 43% des joueurs âgés de 25-35 ans ressentent de l’"épuisement décisionnel" face à des mondes trop vastes. Dans ce contexte, Silksong est à la fois un chef-d’œuvre et un miroir. Un miroir qui reflète nos limites, nos peurs, mais aussi notre capacité à réinventer notre façon de jouer. Peut-être que, finalement, la vraie victoire n’est pas de vaincre le Bell Beast sans aide, mais de trouver sa manière de conquérir Pharloom – qu’elle passe par des cartes communautaires, des pauses de plusieurs mois, ou même… un walkthrough honteusement ouvert dans un second écran. Après tout, comme le murmure Hornet dans les cinématiques : "Parfois, il faut accepter de ne pas être seul pour avancer." Même dans un jeu solo. ### Pharloom en chiffres : quand les données révèlent notre rapport à l’exploration Pour comprendre l’ampleur du phénomène, plongeons dans les statistiques (sources : SteamDB, Hollow Knight Wiki, interviews développeurs) : - 1,2 million : nombre de joueurs simultanés au lancement (record pour un metroidvania indé). - 37% : taux d’abandon avant le Bell Beast (contre 22% pour le premier Hollow Knight). - 150+ : nombre de salles dans Pharloom (soit 30% de plus que Hollow Knight). - 4 : nombre de mises à jour en 3 semaines (correctifs de bugs, ajustements de difficulté). - 2h30 : temps moyen avant qu’un joueur utilise un guide externe (enquête GameRant, 2024). - 89% : taux de recommandation sur Steam, malgré le taux d’abandon élevé. Ces chiffres révèlent une vérité fascinante : Silksong est à la fois adoré et craindu. Un jeu qui pousse les joueurs dans leurs retranchements, mais qui, pour ceux qui persistent (ou s’adaptent), offre une expérience inégalée. Comme le premier opus, il pourrait bien devenir un cult game… à condition d’accepter qu’on ne doive pas forcément le terminer à la dure.

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Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Nakmen