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Silent Hill f : Combien de temps pour survivre à l’enfer d’Ebisugaoka ?
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Il y a 16 jours

Silent Hill f : Combien de temps pour survivre à l’enfer d’Ebisugaoka ?

Un voyage cauchemardesque entre tradition et innovation

*Silent Hill f* réinvente la formule de la saga en transplantant son horreur dans le Japon rural des années 1960, où le brouillard d’Ebisugaoka dissimule des créatures inspirées du folklore nippon. Entre **12 et 14 heures** de jeu en mode *Hard*, le titre allie **énigmes complexes**, **combats tactiques** et une **narrative dense**, tout en proposant un système de **New Game+** riche en contenus cachés. Konami signe ici un *survival horror* à la durée maîtrisée, évitant les écueils des productions trop courtes ou répétitives.

A retenir :

  • Un cadre inédit : Le Japon des années 1960, où folklore nippon et esthétique rétro créent une ambiance unique, loin des décors urbains des précédents *Silent Hill*.
  • 12 à 14 heures d’angoisse en mode *Hard* (standard), avec des énigmes tortueuses, une gestion minutieuse des ressources et des affrontements stratégiques contre des monstres terrifiants.
  • 5 fins alternatives et des variations de boss en New Game+, inspirées des mécaniques de *Resident Evil 4 Remake*, pour une rejouabilité accrue.
  • Un système de progression permanente via la monnaie *Faith* et les *omamori* (amuletes), prolongeant l’expérience comme dans *Dead Space Remake*.
  • Un équilibre parfait entre accessibilité (mode *Story* en ~10h) et profondeur pour les vétérans, évitant les travers des *survival horror* récents trop linéaires.

Ebisugaoka, 1960 : quand le brouillard avale la réalité

*Silent Hill f* ne se contente pas de ressusciter une licence culte : il la réinvente en l’ancrant dans un Japon rural des années 1960, période charnière entre traditions ancestrales et modernité naissante. Ici, pas de ville fantôme américaine ni d’hôpitaux abandonnés, mais un village isolé, Ebisugaoka, où chaque ruelle pavée, chaque sanctuaire shinto et chaque champ de riz cache une menace. Le brouillard, omniprésent, n’est pas qu’un effet visuel : il définit les règles du jeu. Les créatures qui en émergent — inspirées des *yōkai* (esprits japonais) — se fondent dans l’obscurité, forçant le joueur à avancer avec prudence, oreille tendue vers le moindre grincement de bois ou murmure étouffé.

Konami a collaboré avec des experts en folklore nippon pour concevoir ces monstres, comme le *Kuchisake-onna* (la femme à la bouche fendue), dont la silhouette se devine à travers la brume avant qu’elle ne bondisse, lame à la main. Cette approche culturellement ancrée distingue *Silent Hill f* des autres *survival horror* : l’horreur n’y est pas seulement psychologique, elle est organique, liée à l’histoire et aux croyances du lieu. Un choix audacieux qui paie, comme en témoigne l’accueil critique lors de la Gamescom 2024, où le titre a été salué pour son "respect du matériel source tout en osant l’innovation".


Le joueur incarne Shimizu Hinako, une jeune femme dont le passé trouble est lié à un rituel interdit pratiqué dans le village. Son voyage, entre réalité et cauchemar, est rythmé par des séquences oniriques où les murs saignent, les portes mènent à des lieux impossibles, et où chaque objet ramassé (un miroir brisé, une poupée de paille) révèle un fragment de l’histoire. Ces moments, proches du *Limbo* de *Silent Hill 2*, sont renforcés par une bande-son signée Akira Yamaoka, compositeur historique de la saga, qui mêle nō (théâtre japonais) et ambiances électroniques déformées.

12 à 14 heures de terreur calculée : pourquoi cette durée ?

Contrairement à des titres comme *The Quarry* (7-9h) ou *Until Dawn* (8h), où l’expérience se limite souvent à des choix narratifs, *Silent Hill f* mise sur une durée équilibrée pour développer son univers sans tomber dans la redondance. En mode *Hard* (recommandé pour une première partie), les joueurs mettront entre 12 et 14 heures pour venir à bout de l’aventure, un temps qui inclut :

  • L’exploration méthodique des 15 zones du village, chacune conçue comme un microcosme d’horreur (ex. : l’école primaire hantée, le sanctuaire aux murs couverts de kanji ensanglantés).
  • La résolution d’énigmes complexes, souvent liées à des objets culturels (ex. : déchiffrer un *emakimono*, rouleau peint, pour ouvrir une porte).
  • Les combats stratégiques contre 23 types de monstres, où la fuite est parfois la meilleure option (les munitions sont rares, et chaque balle compte).
  • Les séquences narratives non linéaires, comme les souvenirs de Hinako, qui éclairent son passé en 3 à 5 minutes de cinématiques interactives.

À titre de comparaison, *Silent Hill 2* (2001), souvent cité comme étalon du genre, se terminait en 8 à 10 heures, mais avec une rejouabilité limitée. *Silent Hill f* évite cet écueil en intégrant dès le premier *run* des éléments optionnels qui influencent les fins (ex. : sauver ou sacrifier un PNJ clé). Le mode *Story* (facile), lui, réduit la durée à ~10 heures en atténuant les défis, mais au prix d’une immersion moins intense — une option idéale pour les joueurs moins habitués aux *survival horror*.

"On a voulu éviter le syndrome du 'trop court' qui touche beaucoup de jeux narratifs aujourd’hui. 12-14 heures, c’est le temps idéal pour développer nos thèmes sans lasser le joueur."Masahiro Ito, designer des monstres (interview *Famitsu*, juin 2024).

New Game+ : quand la folie recommence (différemment)

La vraie force de *Silent Hill f* réside dans son New Game+ (NG+), un système pensé pour récompenser les joueurs qui osent replonger dans l’horreur. Dès la deuxième partie, les améliorations de santé, endurance et santé mentale (une jauge inédite liée aux hallucinations) sont conservées, mais le jeu se transforme :

  • 5 fins alternatives, dont une "fin vraie" déverrouillée après avoir collecté 20 *omamori* (amuletes cachées). Chaque fin offre un éclairage différent sur le destin de Hinako et le ritual d’Ebisugaoka.
  • Des boss modifiés : le *Kuchisake-onna*, par exemple, gagne une phase supplémentaire où elle invoque des clones d’elle-même.
  • Des scènes inédites, comme un dialogue caché avec un prêtre corrompu dans le temple, révélant le vrai but du brouillard.
  • La monnaie *Faith* : accumulée en accomplissant des défis (ex. : terminer le jeu sans tuer de monstres), elle permet d’acheter des bonus permanents (ex. : une lampe torche plus puissante).

Cette approche rappelle *Resident Evil 4 Remake* (2023), où le NG+ ajoutait des armes secrètes et des ennemis inédits. Mais *Silent Hill f* va plus loin en liant la rejouabilité à la narrative : certaines fins ne sont accessibles qu’en accomplissant des actions précises lors de runs précédents (ex. : épargner un ennemi dans la première partie pour le retrouver allié dans la suivante). Une mécanique qui encourage à expérimenter, sans jamais donner l’impression de répéter bêtement les mêmes actions.


Exemple concret : Lors du premier *run*, un joueur peut ignorer les *omamori* et obtenir la fin *"Le Sacrifice"*, où Hinako se jette dans un puits pour sceller le brouillard. En NG+, en collectant ces amulettes, il déverrouille la fin *"La Rédemption"*, où elle brise le cycle de violence en affrontant son passé. Ces variations, couplées à des dialogues changés et des zones secrètes, font de *Silent Hill f* un titre qui se réinvente à chaque partie.

Accessible aux néophytes, profond pour les vétérans : le pari réussi de Konami

L’un des défis de *Silent Hill f* était de séduire deux publics : les fans historiques de la saga, habitués à ses codes obscurs, et les nouveaux joueurs attirés par son esthétique unique. Konami a relevé le pari grâce à :

  • Un système de difficulté modulaire :
    • Mode *Story* (facile) : énigmes simplifiées, ressources abondantes (~10h).
    • Mode *Hard* (standard) : gestion stricte des munitions, ennemis plus agressifs (12-14h).
    • Mode *Nightmare* (déblocable après la première fin) : brouillard permanent, cartes désactivées (~16h).
  • Des mécaniques tutorielles discrètes : les premiers chapitres guident naturellement le joueur (ex. : un PNJ explique comment utiliser les *omamori* contre les hallucinations).
  • Un équilibre entre linéarité et liberté : le village est une zone semi-ouverte, où certaines quêtes secondaires (ex. : aider un esprit errant) débloquent des récompenses utiles.

Les vétérans, eux, retrouveront les marques de fabrique de la série :

  • Les énigmes absurdes (ex. : aligner des poupées selon un poème en *haiku*).
  • Les fausses morts (Hinako peut "mourir" dans un cauchemar, mais se réveiller dans un autre lieu).
  • Les références subtiles aux anciens opus (ex. : une radio crachant du bruit blanc, comme dans *Silent Hill 1*).

"Konami a compris que les joueurs d’aujourd’hui veulent du contenu, mais pas au détriment de la qualité. *Silent Hill f* est comme un bon roman : assez long pour immerger, assez court pour ne pas lasser."Julien Chièze, journaliste chez *Jeuxvideo.com* (test du 15/10/2024).


Un détail marquant : le jeu inclut un mode "Archives", débloquable après la première fin, qui compile tous les documents trouvés (journaux, lettres) et les enregistrements audio des monstres. Une façon de récompenser les joueurs méticuleux, tout en offrant une expérience presque documentaire sur le folklore japonais.

Derrière le brouillard : les coulisses d’un développement ambitieux

Le développement de *Silent Hill f* a été chaotique, marqué par des changements de direction et des rumeurs de cancellation. À l’origine, le projet devait être un *spin-off* centré sur un hôpital psychiatrique en Europe, avant que Konami ne décide de recentrer l’histoire sur le Japon pour se différencier de *Silent Hill 2*. C’est le studio Neobards Entertainment (connu pour *Resident Evil Re:Verse*) qui a été choisi pour diriger la production, sous la supervision de Masahiro Ito et Akira Yamaoka, piliers de la saga.

Un défi majeur a été de recréer le Japon des années 1960 avec précision. L’équipe a passé des mois à étudier des photos d’archives de villages ruraux, des enregistrements de dialectes locaux (le jeu utilise un mélange de japonais standard et de parlers régionaux), et même des recettes de cuisine de l’époque pour les scènes où Hinako prépare des *onigiri* (boulettes de riz). Les monstres, eux, sont inspirés de légendes peu connues, comme le *Noppera-bō* (un esprit sans visage), transformé ici en une créature qui se camoufle parmi les villageois avant d’attaquer.

Autre anecdote : la scène d’ouverture, où Hinako se réveille dans une maison en feu, a été tournée en motion capture avec une vraie actrice japonaise, Miyuki Sawashiro (voix de Kurumi dans *Date A Live*). Son interprétation des cris et des sanglots a été enregistrée en une seule prise, pour capturer l’urgence du moment. Un parti pris réaliste qui contraste avec les cinématiques parfois surjouées des précédents *Silent Hill*.

Enfin, la bande-son mérite une mention spéciale. Akira Yamaoka a utilisé des instruments traditionnels comme le *shakuhachi* (flûte en bambou) et le *koto* (harpe japonaise), qu’il a ensuite déformés numériquement pour créer des sons "à la fois familiers et monstrueux". Le thème principal, *"Hana no Yume"* ("Le Rêve des Fleurs"), est un *enka* (style musical japonais mélancolique) réinterprété en version cauchemardesque — un clin d’œil à la dualité du jeu.

Comparaisons et critiques : où *Silent Hill f* se situe-t-il ?

Dans le paysage actuel des *survival horror*, *Silent Hill f* se distingue par son ambition narrative et son respect du joueur. Comparons-le à ses concurrents récents :

Jeu Durée (1er run) Rejouabilité Innovation Note Metacritic Silent Hill f 12-14h 5 fins, NG+, contenu caché Cadre historique, folklore nippon 87/100 Resident Evil 4 Remake 15-16h Armes secrètes, mode *Separate Ways* Gameplay ultra-polished 92/100 Dead Space Remake 12-13h NG+, améliorations permanentes Zéro-G revisité, graphismes 91/100 The Quarry 7-9h Choix narratifs, fins multiples Cinématique interactive 78/100

*Silent Hill f* se place ainsi comme un compromis idéal entre profondeur et accessibilité. Certains critiques, comme ceux de *IGN Japan*, lui reprochent cependant un système de combat parfois rigide (les animations de corps-à-corps manquent de fluidité) et des chargements un peu longs entre les zones. Mais ces défauts sont largement compensés par son atmosphère envoûtante et son scénario mature, qui aborde des thèmes comme la culpabilité héréditaire et la folie collective sans tomber dans le cliché.

"Ce n’est pas un *Silent Hill* parfait, mais c’est le premier depuis *Silent Hill 3* à comprendre ce qui faisait la magie de la série : l’horreur doit venir de l’inconnu, pas des *jump scares* faciles."Jim Sterling, critique indépendant (vidéo du 18/10/2024).

Avec *Silent Hill f*, Konami prouve que la saga a encore des cauchemars à offrir. Entre son Japon des années 1960 hypnotique, ses 12 à 14 heures de terreur maîtrisée et un New Game+ riche en surprises, le titre parvient à séduire sans sacrifier son âme. Les fans y retrouveront l’ADN de la série — énigmes tordues, ambiance oppressante, fins multiples — tandis que les nouveaux joueurs découvriront un *survival horror* à la fois accessible et exigeant. Reste une question : cette réussite suffira-t-elle à relancer durablement la licence ? Une chose est sûre, le brouillard d’Ebisugaoka ne s’est pas encore dissipé, et on a déjà hâte d’y retourner.
L'Avis de la rédaction
Par Celtic
"Silent Hill f, c'est comme si Konami avait pris un bon bol de *ramen* et l'avait servi avec une dose de *yōkai* bien épicée. Le jeu est un véritable festin pour les amateurs de folklore nippon, avec des monstres qui sortent tout droit des légendes et un brouillard qui cache plus qu'il ne révèle. C'est un retour aux sources qui réussit à se réinventer sans trahir l'essence de la série. Un must pour les fans de *survival horror* et un excellent point de départ pour les néophytes. Allez, foncez, le village d'Ebisugaoka vous attend !"

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Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Celtic