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Vampire: The Masquerade – Bloodlines 2 : Un RPG d'action ambitieux entre héritage et renaissance
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Il y a 49 jours

Vampire: The Masquerade – Bloodlines 2 : Un RPG d'action ambitieux entre héritage et renaissance

Un retour tant attendu, entre promesses et défis techniques

Vampire: The Masquerade – Bloodlines 2, prévu pour le 21 octobre 2025 sur PC, PS5 et Xbox Series X|S, s’apprête à ressusciter une saga culte après un développement chaotique. Porté par The Chinese Room (à qui l’on doit *Dear Esther* et *Amnesia: A Machine for Pigs*), le jeu mise sur un système narratif dynamique, des choix impactants liés aux clans vampires (Brujah, Tremere, Nosferatu…), et une exploration immersive de Seattle sous Unreal Engine 5. Mais parviendra-t-il à éviter les écueils techniques de son prédécesseur, tout en conciliant liberté narrative et fluidité gameplay ?

A retenir :

  • Sortie le 21 octobre 2025 sur PC, PS5 et Xbox Series X|S, après un développement marqué par des retards et un changement de studio (de Hardsuit Labs à The Chinese Room).
  • Un RPG narratif ambitieux : dialogues réactifs, pouvoirs disciplinaires intégrés à l’histoire (Domination, Obfuscation…), et des quêtes adaptées au clan choisi (ex. : Brujah pour le combat, Tremere pour la manipulation).
  • Seattle en 2024 comme terrain de jeu vertical et dense, avec des quartiers aux ambiances contrastées (Downtown luxueux vs. docks sordides de Pioneer Square), exploitant l’Unreal Engine 5 pour un éclairage dynamique et une furtivité réaliste.
  • L’héritage du premier Bloodlines (2004) : un mélange de chaos créatif (dialogues improvisés, bugs mémorables) et de profondeur narrative, que le studio devra réinventer sans reproduire ses défauts.
  • Défis majeurs : équilibrer liberté d’exploration et cohérence scénaristique, éviter les transitions maladroites entre dialogues et gameplay, et offrir une immersion visuelle à la hauteur de titres comme *Cyberpunk 2077* (après ses correctifs).
  • Comparaisons culturelles : des mécaniques inspirées de *Disco Elysium* (plongée dans les souvenirs des PNJ) et une ambiance goth-punk rappelant *Vampire: The Masquerade – Redemption* ou *The Witcher*.

Un héritage lourd à porter : entre culte et chaos

Il y a des jeux qui marquent l’histoire du RPG à jamais. Vampire: The Masquerade – Bloodlines (2004), développé par Troika Games et édité par Activision, en fait partie. Malgré ses bugs légendaires (des PNJ traversant les murs aux quêtes bloquées), son écriture cynique, son univers goth-punk et ses dialogues hilarants ou glaçants en ont fait un titre culte. Vingt ans plus tard, Bloodlines 2 arrive avec une pression immense : celle de réinventer sans trahir.

Le premier opus était un ovni narratif dans un paysage vidéoludique alors dominé par des RPG plus linéaires. Ses choix moraux ambigus, ses personnages inoubliables (qui n’a pas en tête Jeanette, la vampire schizoïde, ou le prince LaCroix ?) et son humour noir ont élevé le jeu au rang de référence. Pourtant, son moteur obsolète (basé sur celui de *Half-Life 2*) et ses problèmes techniques en ont aussi fait un symbole des défis du développement ambitieux.

Aujourd’hui, The Chinese Room – studio connu pour ses récits atmosphériques (*Dear Esther*, *Everybody’s Gone to the Rapture*) – reprend le flambeau. Leur approche, plus littéraire et expérimentale, pourrait-elle donner à *Bloodlines 2* cette profondeur narrative qui manquait à certains RPG récents ? Ou au contraire, leur manque d’expérience dans les jeux ouverts et les mécaniques de gameplay complexes se fera-t-il sentir ?


Une chose est sûre : les attentes sont énormes. Les fans de la première heure espèrent retrouver cette magie du chaos contrôlé, où chaque partie était unique, entre bugs hilarants et moments de génie scénaristique. Les nouveaux joueurs, eux, attendent un RPG moderne, fluide, et visuellement impressionnant. Un équilibre délicat à trouver.

Seattle 2024 : une ville qui respire (ou qui saigne ?)

Exit Los Angeles et ses rues ensoleillées (enfin, pour un jeu de vampires…). Bloodlines 2 nous plonge dans un Seattle nocturne, pluvieux et claustrophobe, où la verticalité joue un rôle clé. Les gratte-ciels du Downtown côtoient les égouts sombres et les toits accessibles, offrant une exploration multidimensionnelle rare dans les RPG urbains. Selon les développeurs, chaque bâtiment aurait une utilité : un repaire ennemi à infiltrer, un bar clandestin où glaner des rumeurs, ou un sanctuaire pour se reposer (si tant est que les vampires dorment…).

L’Unreal Engine 5 est ici mis à contribution pour créer une atmosphère immersive, avec un système d’éclairage dynamique qui joue sur les ombres et les reflets. Mais ce n’est pas qu’une question de joli visuel : les ombres deviennent un outil de gameplay. Par exemple, les joueurs incarnant un Nosferatu (clan connu pour sa laideur monstrueuse et sa furtivité) pourront se fondre dans les zones d’ombre, tandis que les Brujah (guerriers charismatiques) devront peut-être affronter leurs ennemis face à face.

Cette densité interactive rappelle des titres comme *Deus Ex: Mankind Divided* ou *Dishonored*, où l’environnement n’est pas qu’un décor, mais un terrain de jeu. Pourtant, un risque persiste : celui de la surcharge. Le premier *Bloodlines* souffrait parfois d’un manque de lisibilité dans ses quêtes, avec des objectifs mal expliqués ou des bugs de script qui brisaient l’immersion. *Bloodlines 2* devra éviter ce piège, surtout avec un monde ouvert (ou du moins, semi-ouvert) bien plus vaste que celui de 2004.


Un détail intrigant : le choix de 2024 comme année de référence. Pourquoi pas 2025, année de sortie du jeu ? Une coïncidence ? Ou une façon de créer un décalage temporel avec notre réalité, comme le faisait le premier opus avec son Los Angeles des années 2000 ? Quoi qu’il en soit, Seattle devient ici un personnage à part entière, à la fois miroir des tensions sociales (gentrification, inégalités) et champ de bataille des clans vampires.

"Tu es ce que tu manges" : clans, pouvoirs et identité vampirique

Dans *Bloodlines 2*, le clan que vous choisissez n’est pas qu’une classe – c’est une philosophie de vie (ou de mort-vivante). Chaque clan offre des pouvoirs disciplinaires uniques, mais aussi des façons différentes d’aborder les quêtes et les interactions. Voici un aperçu des options confirmées à ce jour :

  • Brujah : Les rebelles charismatiques, spécialisés dans le combat rapproché et la persuasion agressive. Leur pouvoir Potence leur permet de sauter plus haut ou de frapper plus fort. Idéal pour ceux qui veulent dominer par la force.
  • Tremere : Les sorciers vampires, maîtres de la Thaumaturgie (magie du sang). Ils excellent dans la manipulation à distance et les énigmes complexes. Leur approche est plus cérébrale que physique.
  • Nosferatu : Les monstres des ombres, capables de se fondre dans l’obscurité grâce à l’Obfuscation. Leur apparence repoussante les rend difficiles à jouer en société, mais ils sont imparables en infiltration.
  • Malkavien : Les fous géniaux, dont la perception déformée de la réalité peut révéler des indices cachés. Leur pouvoir Dementation permet de semer la confusion chez les ennemis. Un clan pour les joueurs qui aiment les solutions improbables.
  • Ventrue : Les aristocrates vampires, spécialisés dans la Domination (contrôle mental) et le leadership. Leur charisme leur ouvre des portes… ou leur permet d’en fermer à double tour.

Contrairement à beaucoup de RPG où les compétences se résument à des bonus statistiques, ici, elles transforment l’expérience. Par exemple, un Tremere pourrait résoudre une énigme en lisant les souvenirs d’un cadavre, là où un Brujah préférera intimider un témoin. Cette réactivité est au cœur de la promesse de *Bloodlines 2* : votre clan définit votre histoire.


Mais attention : cette liberté a un prix. Les premiers retours des tests internes évoquent des déséquilibres entre les clans. Certains, comme les Malkaviens, sembleraient trop puissants dans les phases d’investigation, tandis que d’autres, comme les Nosferatu, pourraient souffrir de limitations sociales (difficile de séduire un PNJ quand on ressemble à un cauchemar…). The Chinese Room devra affiner l’équilibrage avant la sortie, sous peine de frustrer les joueurs.

Dialogues et conséquences : quand chaque mot compte

Si *Bloodlines 2* veut marquer les esprits, c’est avant tout par son système de dialogue. Le premier opus était déjà une référence en la matière, avec des répliques cultes ("Je suis un vampire, pas un boy-scout") et des choix moraux ambigus. Ici, les développeurs promettent une réactivité inédite : vos mots auront un impact immédiat sur l’histoire, les relations avec les PNJ, et même l’environnement.

Un exemple frappant a été montré lors d’une démonstration privée : un joueur incarnant un Ventrue a utilisé sa Domination pour forcer un humain à révéler un secret. Mais au lieu d’une simple cutscene, le PNJ a réagi avec peur, puis a fui en hurlant, attirant l’attention d’un groupe de chasseurs de vampires. Résultat : une quête secondaire imprévue, où le joueur devait soit éliminer les chasseurs, soit les manipuler à son tour. Ce genre de chaîne de conséquences est exactement ce que les fans attendent.

Pourtant, un doute subsiste : The Chinese Room a l’habitude des récits linéaires et atmosphériques (*Amnesia*, *Dear Esther*), mais pas des jeux à embranchements multiples. Parviendront-ils à créer un système de dialogue aussi riche et imprévisible que celui de *Disco Elysium* ou *The Witcher 3* ? Les premiers tests suggèrent que le jeu mise sur des "moments clés" où vos choix ont un impact majeur, plutôt que sur une réactivité totale à chaque réplique. Une approche plus cinématographique que simulationniste, qui pourrait décevoir les puristes.


Autre défi : la localisation. Le premier *Bloodlines* était célèbre pour son humour noir et ses jeux de mots, souvent intraduisibles. Comment *Bloodlines 2* gérera-t-il cela ? Les versions françaises et allemandes seront-elles à la hauteur de l’esprit du texte original ? Une question cruciale pour un jeu où le dialogue est roi.

Derrière les rideaux : les coulisses d’un développement tourmenté

Le développement de *Bloodlines 2* a été aussi chaotique que l’univers de Vampire: The Masquerade. À l’origine confié à Hardsuit Labs (connu pour *Duskers*), le projet a été repris en main par The Chinese Room en 2021, après des retards à répétition et des rumeurs de tensions créatives. Selon des sources proches du projet, le jeu aurait été "reconstruit de zéro" à plusieurs reprises, notamment pour intégrer l’Unreal Engine 5 et repenser les mécaniques de gameplay.

Un ancien développeur de Hardsuit Labs, sous couvert d’anonymat, a confié à JeuxVideo.com : "Le problème, c’était l’ambition. On voulait faire un jeu qui fasse aussi bien que le premier Bloodlines en 2004, mais avec les standards de 2020. Sans le budget ni le temps nécessaire. Résultat : on a accumulé les dettes techniques." The Chinese Room aurait donc hérité d’un projet "à moitié fini", avec pour mission de le sauver tout en gardant son âme.

Leur solution ? Se recentrer sur l’écriture et l’immersion. Dan Pinchbeck, directeur créatif du studio, explique : "Bloodlines 2 doit être un jeu où chaque détail compte. Pas seulement les grands choix, mais les petites décisions : le ton que vous utilisez avec un PNJ, le chemin que vous prenez pour éviter un garde… On veut que les joueurs aient l’impression de vivre dans ce monde, pas juste de le traverser."


Mais ce changement de cap a aussi eu un coût : certaines mécaniques promises (comme un système de faction dynamique où les clans évoluent en temps réel) auraient été abandonnées ou simplifiées. Une source interne évoque même des "coupes dans le scénario" pour tenir les délais. The Chinese Room aurait dû prioriser : "Mieux vaut un jeu fini et cohérent qu’un jeu ambitieux mais brisé."

Reste une question : ce recentrage suffira-t-il à convaincre les fans ? Ceux qui attendent un sandbox vampirique sans limites pourraient être déçus. Ceux qui cherchent une expérience narrative profonde, en revanche, pourraient trouver leur bonheur.

Comparaisons et inspirations : entre Disco Elysium et Cyberpunk 2077

*Bloodlines 2* ne naît pas dans un vide culturel. Ses mécaniques de dialogue réactif et d’exploration sociale rappellent clairement Disco Elysium, où chaque compétence ouvre des options de dialogue uniques. La différence ? Ici, le surnaturel s’invite dans l’équation : un vampire peut lire dans les pensées, manipuler les souvenirs, ou se transformer en brume pour passer sous une porte.

Côté ambiance urbaine, les comparaisons avec Cyberpunk 2077 (après ses correctifs) sont inévitables. Les deux jeux misent sur une ville dense et verticale, où l’architecture et l’éclairage jouent un rôle clé. Mais là où *Cyberpunk* se veut futuriste et tape-à-l’œil, *Bloodlines 2* opte pour un réalisme sale, où la pluie, les néons et les ruelles sombres créent une atmosphère oppressante. Une esthétique plus proche de *The Witcher* que de *Blade Runner*.

Enfin, impossible de ne pas évoquer l’héritage tabletop de *Vampire: The Masquerade*. Le jeu de rôle papier, créé par White Wolf dans les années 1990, est célèbre pour son système de règles narratif (le Storyteller System), où les dés ne servent pas seulement à trancher les combats, mais aussi à déterminer le cours de l’histoire. *Bloodlines 2* s’inspire de cette philosophie, mais avec une approche plus accessible : pas de jets de dés visibles, mais des pourcentages de réussite cachés, comme dans *Mass Effect*.


Une dernière comparaison, plus inattendue : *Bloodlines 2* partage avec *Deathloop* (2021) cette idée d’une île (ou ville) piégée dans une boucle temporelle, où chaque action a des conséquences. Sauf qu’ici, pas de boucle à proprement parler, mais une guerre de clans qui s’intensifie au fil de vos choix. Une mécanique qui rappelle aussi *The Council*, où les alliances et les trahisons façonnent la narration.

Les ombres du projet : risques et incertitudes

Malgré ses promesses, *Bloodlines 2* n’est pas à l’abri des écueils. Voici les principaux risques identifiés à ce stade :

  • L’équilibrage des clans : Comme évoqué plus haut, certains clans pourraient se révéler trop puissants (Malkaviens) ou trop limités (Nosferatu). Un déséquilibre qui, s’il n’est pas corrigé, pourrait gâcher l’expérience pour une partie des joueurs.
  • La fluidité technique : L’Unreal Engine 5 est puissant, mais exigeant. Les premiers tests mentionnent des baisses de FPS dans les zones très peuplées, et des bugs d’animation (notamment lors des transitions entre dialogues et combat). The Chinese Room a-t-il les ressources pour optimiser le jeu à temps ?
  • La cohérence narrative : Avec un monde semi-ouvert et des quêtes dynamiques, le risque de trous scénaristiques ou de PNJ incohérents est réel. Le premier *Bloodlines* souffrait parfois de quêtes mal connectées entre elles. *Bloodlines 2* devra éviter ce piège.
  • La durée de vie : Les RPG narratifs récents (*The Council*, *Pentiment*) ont souvent été critiqués pour leur courte durée (10-15h). *Bloodlines 2* promet 20 à 30h de contenu, mais avec une telle réactivité, certains joueurs pourraient épuiser les possibilités plus vite que prévu.
  • Le multiplayer abandonné : À l’origine, le jeu devait inclure un mode multijoueur (coop ou PvP). Cette idée a été abandonnée en 2022, ce qui a déçu une partie de la communauté. The Chinese Room justifie ce choix par la volonté de "se concentrer sur l’expérience solo", mais certains y voient un manque d’ambition.

Face à ces défis, une question se pose : The Chinese Room a-t-il les épaules assez larges pour porter un projet d’une telle envergure ? Leur expertise en narratif est indéniable, mais un RPG d’action dans un monde semi-ouvert est une toute autre bête. Les joueurs devront-ils faire un pacte faustien : accepter quelques imperfections techniques en échange d’une expérience narrative unique ?

Vampire: The Masquerade – Bloodlines 2 se présente comme un paradoxe fascinant : un jeu qui veut réinventer une légende tout en respectant son héritage. Entre les promesses narratives (dialogues réactifs, clans aux gameplay distincts) et les défis techniques (optimisation, équilibrage), le titre de The Chinese Room a tout pour séduire ou décevoir passionnément.

Son atout majeur ? Seattle, ville vivante, verticale et dangereuse, où chaque rue, chaque ombre, chaque conversation peut devenir une aventure. Son talon d’Achille ? Le poids des attentes : après deux décennies d’attente et un développement tumultueux, les fans espèrent un chef-d’œuvre, pas un simple hommage.

Reste une certitude : si *Bloodlines 2* parvient à capturer ne serait-ce qu’une partie de la magie chaotique de son prédécesseur – ce mélange de profondeur narrative, d’humour noir et de liberté d’action –, il pourrait bien devenir l’un des RPG les plus marquants de 2025. À condition, bien sûr, que les vampires de The Chinese Room aient assez mordu dans le cou du gameplay pour en extraire toute la substantifique moelle.

L'Avis de la rédaction
Par Nakmen
*"Un Nosferatu qui séduit ? Même OSS 117 aurait du mal à vendre ça !"* 🧛♂️ The Chinese Room a du pain sur la planche : entre l'héritage buggé mais culte du 1er opus et les promesses d'un RPG *réactif*, le risque est grand de finir comme Jeanette - schizo entre ambition et réalité. **20h de contenu bien écrites > 50h de open-world vide**, mais gageons que les fans de *Disco Elysium* râleront quand même. *"C'est pas faux"* (© Perceval).

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Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Nakmen