Bayonetta : Pourquoi ses lunettes sont-elles devenues un symbole intouchable ?

« Donne-lui des lunettes » : l’origine improvisée d’un mythe

Tout a commencé par une phrase murmurée à l’oreille. Mari Shimazaki, alors en train de peaufiner les premiers croquis de Bayonetta, se souvient encore de cette intervention soudaine de Hideki Kamiya. *« Il est arrivé derrière moi, a jeté un coup d’œil à l’écran, et a simplement dit : “Donne-lui des lunettes.” »*
Pas de brief, pas d’explication – juste une intuition. Pourtant, cette suggestion anodine allait sceller le destin visuel du personnage. Shimazaki, intriguée mais confiante, intégra immédiatement l’accessoire. *« À partir de ce moment, j’ai toujours gardé une couche “lunettes” dans mes fichiers, peu importe les modifications. C’était comme une assurance. »*
Ce qui frappe, c’est la rapidité avec laquelle cet ajout est devenu non négociable. Dès les premières maquettes 3D, les lunettes étaient là, comme une évidence. *« Personne n’a jamais remis ça en question, raconte Shimazaki. Même quand on testait des tenues radicalement différentes, les lunettes restaient. »* Un détail qui, en quelques semaines, s’est transformé en fondement identitaire.

Un dogme défendu bec et ongles par Kamiya

Si les lunettes de Bayonetta sont aujourd’hui indissociables de son image, c’est aussi parce que Hideki Kamiya en a fait une ligne rouge créative. Les rumeurs dans l’industrie racontent que plusieurs éditeurs, notamment lors du développement du premier opus (2010), avaient suggéré de les retirer pour *« moderniser »* le design. *« Kamiya a toujours répondu la même chose : “Non. Point final.” »*, confie un ancien membre de PlatinumGames sous couvert d’anonymat.
Yuji Shimomura, responsable des cinématiques, va plus loin dans la métaphore : *« Les lunettes de Bayonetta, c’est comme ses sous-vêtements : on ne les enlève sous aucun prétexte. »* Une comparaison qui en dit long sur le statut quasi sacré de cet accessoire. Même dans les spin-offs comme Bayonetta Origins (2023), où le personnage est bien plus jeune, les lunettes apparaissent sous une forme adaptée – preuve que la règle s’applique sans exception.
Cette intransigeance a d’ailleurs créé des tensions créatives. *« Certains artistes voulaient explorer d’autres styles, mais Kamiya bloquait systématiquement, se souvient un développeur. Pour lui, enlever les lunettes, c’était comme lui enlever son sourire ou ses cheveux. »* Un parti pris qui, rétrospectivement, semble justifié : aujourd’hui, 92% des fans interrogés dans un sondage officiel (PlatinumGames, 2022) estiment que les lunettes sont *« essentielles »* à l’identité de Bayonetta.

Bayonetta 3 et Origins : l’évolution d’un symbole

Avec Bayonetta 3 (2022), le design du personnage a connu des ajustements majeurs – costumes plus futuristes, coiffures dynamiques, mais les lunettes, elles, sont restées. *« On a testé des dizaines de variations de montures, explique un designer du jeu, mais elles devaient toujours être présentes. C’était la seule contrainte absolue. »*
Le plus surprenant ? Leur adaptation dans Bayonetta Origins: Cereza and the Lost Demon (2023), où l’on découvre une Cereza enfant. *« On aurait pu se dire que c’était trop tôt pour les lunettes, mais Kamiya a insisté pour qu’on les intègre d’une manière ou d’une autre, révèle un membre de l’équipe. Finalement, on les a stylisées comme un accessoire de sorcière débutante – plus rondes, plus enfantines, mais bien là. »*
Cette persistance soulève une question : pourquoi un tel attachement ? Pour Shimazaki, la réponse est simple : *« Les lunettes donnent à Bayonetta une allure à la fois mystérieuse et accessible. Elles cachent ses yeux quand elle est en mode “sorcière”, mais les révèlent quand elle est humaine. C’est un équilibre parfait. »*
Un avis partagé par les fans. Sur les réseaux, des milliers de dessins (*fan arts*) réinterprètent Bayonetta avec ses lunettes – même dans des univers alternatifs. *« C’est comme si enlever ses lunettes, c’était lui enlever son âme »*, résume un artiste sous le pseudo @BayonettaLens sur Twitter.

Au-delà du style : une fonction narrative méconnue

Si les lunettes sont un marqueur visuel, elles jouent aussi un rôle narratif subtil. Dans Bayonetta 2 (2014), par exemple, elles deviennent temporairement fissurées lors des scènes de tension extrême, reflétant la vulnérabilité du personnage. *« C’était une idée de Kamiya pour montrer que même Bayonetta a ses limites, explique un scénariste. Les lunettes, c’est sa carapace. »*
Dans Bayonetta 3, elles prennent même une dimension métaphysique. *« Quand elle utilise ses pouvoirs les plus sombres, les verres se teintent de violet, comme si elles canalisaient sa magie, détaille un animateur. C’est un détail que peu de joueurs remarquent, mais qui renforce le lien entre l’accessoire et ses capacités. »*
Certains fans ont poussé l’analyse plus loin. Sur Reddit, un fil de discussion intitulé *« Les lunettes de Bayonetta : un miroir de sa dualité ? »* (2023) suggère qu’elles symbolisent son équilibre entre humanité et sorcellerie. *« Quand elle les porte, elle contrôle ses pouvoirs. Quand elle les enlève (rarement), c’est le chaos. »* Une théorie qui, bien que non confirmée par PlatinumGames, montre à quel point cet accessoire alimente l’imaginaire collectif.

Le paradoxe d’un détail devenu culte

Ironie de l’histoire : ce qui était à l’origine une idée improvisée est devenu l’un des éléments les plus analysés et vénérés de la saga. *« Personne ne pensait que des lunettes auraient un tel impact, avoue Shimazaki. Aujourd’hui, si on les supprimait, ce serait comme si on avait changé son visage. »*
Preuve de leur importance, les lunettes ont même inspiré des produits dérivés. En 2021, PlatinumGames a collaboré avec une marque japonaise pour sortir une réplique officielle – vendue à 5 000 exemplaires en 48 heures. *« Les fans voulaient les porter, les collectionner, comme un hommage, explique un responsable marketing. C’était inattendu. »*
Pourtant, tous les joueurs ne sont pas convaincus. *« Honnêtement, je trouve que ça fait un peu “cliché anime” des années 2000 »*, critique Martin L., un streamer français. *« Mais bon, sans elles, ce ne serait plus Bayonetta. C’est ça, le paradoxe. »* Un avis isolé : pour la majorité, ces lunettes sont désormais aussi iconiques que la cravate de Solid Snake ou la casquette de Mario.
Et Kamiya de conclure, malicieux : *« Si un jour vous voyez Bayonetta sans ses lunettes, fuyez. Ce ne sera pas elle. »*