eSport

Bwipo brise le silence : "Mes propos sur les femmes dans l'esport étaient dénués de sens, je ne les pensais pas"
eSport

Il y a 16 jours

Bwipo brise le silence : "Mes propos sur les femmes dans l'esport étaient dénués de sens, je ne les pensais pas"

Quand une parole malencontreuse fait trembler une carrière : l'aveu déchirant de Bwipo

Le 5 septembre 2023, une phrase prononcée par Gabriël "Bwipo" Rau, star belge de League of Legends, a déclenché un séisme dans l'esport. Ses déclarations sur l'incompatibilité supposée entre règles et compétition ont valu au joueur une suspension immédiate par FlyQuest, un retrait des contenus officiels des Worlds par Riot Games, et une remise en question publique sans précédent. Pourtant, dans un entretien poignant avec Sheep Esports, Bwipo révèle un détail glaçant : il n'a jamais cru en ses propres mots. Retour sur une polémique qui interroge les limites de la provocation dans l'esport, et les mécanismes d'une parole qui a échappé à son auteur.

A retenir :

  • Bwipo suspendu : FlyQuest écarte son joueur vedette après des propos jugés "misogynes" sur les femmes en compétition
  • Riot Games réagit : suppression de Bwipo des visuels officiels des Worlds 2023, une première dans l'histoire de l'événement
  • "Je ne pensais pas ce que j'ai dit" : le joueur belge avoue avoir tenu des propos "absurdes" sans y adhérer, révélant un malaise profond
  • L'esport face à ses démons : l'affaire relance le débat sur la responsabilité des influenceurs du gaming, entre provocation et discriminations
  • Un mea culpa aux conséquences lourdes : entre perte de sponsors et crainte d'une exclusion des Worlds, Bwipo paie le prix d'une parole non maîtrisée

La phrase qui a tout déclenché : quand l'humour noir vire au drame

Tout commence sur un stream Twitch anodin, le 5 septembre 2023. Gabriël "Bwipo" Rau, connu pour son franc-parler et son humour souvent limite, lance une phrase qui va le hanter : "Les femmes ne devraient pas jouer en compétition pendant leurs règles, c'est un désavantage biologique." Le contexte ? Une discussion sur les performances en esport, où le joueur belge, sans doute en quête de provocation, franchit une ligne rouge.

Le problème ? Ces propos sont immédiatement repris hors contexte par des comptes influents, dont celui d'Eefje "Sjokz" Depoortere, figure respectée de la scène League of Legends. Son tweet cinglant - "Des déclarations aussi ignorantes en 2023, c'est consternant" - donne le ton. En moins de 24 heures, la toile s'embrase. Les hashtags #BwipoCancel et #WomenInEsports inondent Twitter, tandis que des joueuses professionnelles comme Maria "Remilia" Creveling (ex-Renegades) partagent leurs expériences de discrimination.

Ce que beaucoup ignorent à ce stade : Bwipo, selon ses propres aveux ultérieurs, ne croyait pas un mot de ce qu'il venait de dire. "C'était une sorte de pensée à voix haute, une exagération pour faire réagir", confiera-t-il plus tard. Trop tard. La machine médiatique est en marche.


Pourquoi cette phrase a-t-elle eu un tel impact ? Parce qu'elle touche à un nerf sensible de l'esport : l'inclusivité. Dans un milieu encore majoritairement masculin (seulement 5% de joueuses en compétition professionnelle selon une étude Riot de 2022), de tels propos résonnent comme un retour en arrière. D'autant que des initiatives comme le Game Changers de Valorant (tournoi 100% féminin) montrent une volonté croissante d'ouverture.

La réaction en chaîne : quand Riot et FlyQuest frappent fort

Contrairement à d'autres polémiques esportives rapidement étouffées, celle-ci prend une ampleur inédite. Deux jours après les faits, Riot Games prend une décision radicale : le clip officiel de présentation des Worlds 2023, mettant normalement en scène les stars de la compétition, sera re-tourné pour exclure Bwipo. Une première dans l'histoire de l'événement, qui envoie un message clair : les propos discriminatoires n'auront pas droit de cité.

Du côté de FlyQuest, sa équipe depuis 2023, la réponse est tout aussi ferme. Le 7 septembre, l'organisation annonce sa suspension pour les playoffs de la LTA (League Tournament Alliance), privant le joueur belge des matchs décisifs contre Vivo Keyd Stars. Dans un communiqué lapidaire, le CEO Tricia Sugita souligne : "Nos valeurs d'inclusivité sont non-négociables. Les paroles de Bwipo ne reflètent pas ce que nous défendons."

Les conséquences financières ne tardent pas : plusieurs sponsors mineurs se retirent, tandis que Red Bull, partenaire historique de Bwipo, gèle temporairement sa collaboration. Le joueur perd également son invitation au All-Star Event de fin d'année, un coup dur pour son image.


Ce qui frappe dans cette affaire, c'est la rapidité et l'unanimité des condamnations. Même des rivaux de longue date comme G2 Esports (via leur CEO Carlos "ocelote" Rodríguez) expriment leur désapprobation. Une réaction qui contraste avec d'autres polémiques esportives, où les prises de position étaient souvent plus timorées.

"Je me suis écouté et j'ai eu honte" : la confession troublante de Bwipo

Le 10 septembre, après cinq jours de silence, Bwipo rompt enfin le mutisme. Dans un entretien fleuve avec Sheep Esports, il livre une analyse sans fard de sa dérive verbale. Extraits marquants :

"Quand j'ai réécouté l'extrait, j'ai pensé : 'Mais qu'est-ce que j'ai raconté ?' Ça n'avait aucun sens. Aucune logique. C'était comme si quelqu'un d'autre parlait à ma place."

"Le pire, c'est que je savais pertinemment que c'était faux. Ma sœur est sportive de haut niveau, ma copine joue à LoL... Je connais très bien les capacités des femmes dans le sport."

"J'ai cru faire de l'humour noir, mais j'ai juste été nul. Et maintenant, je dois assumer les conséquences d'une connerie que je ne pensais même pas."

Ce qui frappe dans ses propos, c'est l'écart entre l'image publique et la réalité. Bwipo, souvent perçu comme un provocateur assumé (il avait déjà créé la polémique en 2021 en qualifiant certains adversaires de "mentalement faibles"), révèle ici une vulnérabilité inattendue. Il évoque même des séances avec un psychologue pour comprendre ce mécanisme de parole non contrôlée.


Un détail révélateur : lors de l'entretien, le joueur belge refuse de se cacher derrière l'argument de la provocation. "Même si c'était pour choquer, c'est à moi de mesurer les limites. Là, j'ai clairement dépassé les bornes", reconnaît-il. Une lucidité qui tranche avec les excuses souvent évasives des personnalités publiques dans de tels cas.

L'esport face à son miroir : entre progrès et vieux démons

Cette affaire arrive à un moment charnière pour l'esport. D'un côté, des avancées majeures :

  • La création de ligues féminines comme le League of Legends EMEA Women's Tournament
  • L'arrivée de joueuses dans des équipes mixtes (ex : G2 Hel en LEC)
  • Des campagnes de sensibilisation contre le sexisme (ex : #BreakTheGame de Riot)

De l'autre, des résistances tenaces :

  • Seulement 2% de femmes dans les 100 meilleurs joueurs mondiaux (classement https://OP.GG 2023)
  • Des écarts de salaire pouvant atteindre 40% entre hommes et femmes (étude Newzoo)
  • Des cas de harcèlement en ligne persistants (37% des joueuses en ont été victimes en 2022)

Dans ce contexte, les propos de Bwipo agissent comme un catalyseur. Ils révèlent que malgré les progrès, certains stéréotypes ont la vie dure. Comme le souligne la sociologue du gaming Emma Witkowski : "L'esport reproduit souvent les biais de la société, mais avec une amplification due à l'anonymat en ligne et à la jeunesse du milieu."


Ironie du sort : Bwipo lui-même avait soutenu publiquement l'équipe féminine de FlyQuest en 2022. Cette contradiction souligne un phénomène plus large dans l'esport : le décalage entre les discours publics et les réflexes inconscients. Comme l'explique le psychologue du sport Dr. Mark Titley : "Les joueurs évoluent dans un environnement hyper-compétitif où la provocation est souvent valorisée. Certains en viennent à confondre transgression et humour, sans mesurer l'impact réel de leurs mots."

Et maintenant ? Les leçons d'une crise évitable

Trois semaines après la polémique, où en est Bwipo ? Officiellement, il reste sous contrat avec FlyQuest, mais son avenir aux Worlds 2023 (prévus du 10 octobre au 19 novembre en Corée du Sud) reste incertain. Plusieurs sources internes évoquent une possible exclusion des cérémonies d'ouverture, voire des matchs en cas de nouvelle dérive.

Du côté des institutions, Riot Games a annoncé un renforcement des clauses contractuelles pour les joueurs, avec des sanctions automatisées en cas de propos discriminatoires. Une mesure qui divise : certains y voient un progrès, d'autres une censure déguisée.

Quant à Bwipo, il semble avoir tiré des leçons concrètes :

  • Il a supprimé son compte Twitter (source de nombreuses polémiques passées)
  • Il participe à des ateliers de sensibilisation organisés par la LEC
  • Il a annoncé reverser 10% de ses gains 2023 à l'association Women in Games

Pourtant, la question reste : cette crise marquera-t-elle un tournant pour l'esport, ou ne sera-t-elle qu'un épisode de plus dans la longue liste des polémiques rapidement oubliées ? Comme le résume la streamer française Maghla : "Ce qui compte, ce n'est pas seulement que Bwipo s'excuse, mais que l'esport dans son ensemble comprenne que des mots comme les siens ont un impact réel sur des milliers de joueuses qui se battent pour leur place."

Derrière la polémique : le syndrome de l'enfant terrible de l'esport

Pour comprendre comment un joueur aussi expérimenté que Bwipo (9 ans de carrière pro, 3 participations aux Worlds) a pu commettre une telle erreur, il faut remonter à ses débuts. Recruté à 17 ans par Fnatic en 2018, le Belge s'est rapidement forgé une réputation de "bad boy" du League of Legends européen.

Son parcours est jalonné d'incidents :

  • 2019 : Amende pour insultes homophobes en stream
  • 2021 : Suspension de 3 matchs pour propos racistes envers un adversaire
  • 2022 : Avertissement de la LEC pour comportement antisportif

Cette répétition des écarts s'explique en partie par l'effet "enfant gâté" : Bwipo a longtemps bénéficié d'une indulgence relative grâce à son talent exceptionnel (considéré comme l'un des meilleurs toplaners occidentaux). Comme l'analyse l'ancien manager de Team Vitality, Fabien "Neo" Devide : "Dans l'esport, les performances couvrent souvent les excès. Mais il arrive un moment où même les stars doivent rendre des comptes."

Le paradoxe ? C'est précisément cette image de rebelle qui a fait de Bwipo une icône pour des milliers de fans. Son stream Twitch (500K followers) repose en grande partie sur son franc-parler et ses réactions explosives. Une équation dangereuse, comme il le reconnaît aujourd'hui : "J'ai cru que je pouvais tout me permettre. La réalité, c'est que non. Et c'est tant mieux."

La polémique Bwipo restera comme un moment charnière pour l'esport. Non pas parce que ses propos étaient particulièrement originaux (le sexisme dans le gaming n'est malheureusement pas nouveau), mais parce que la réaction unanime - joueurs, organisations, sponsors - montre une maturité croissante du milieu. Pour la première fois, une star de League of Legends paie le prix fort pour des paroles discriminatoires, envoyant un signal fort : l'époque de l'impunité est révolue. Quant à Bwipo, son cas interroge sur la responsabilité des influenceurs du gaming. Son mea culpa semble sincère, mais le vrai test sera dans la durée : saura-t-il transformer cette crise en opportunité pour devenir un ambassadeur d'un esport plus inclusif ? Une chose est sûre : après cet épisode, plus aucun joueur ne pourra prétendre que "c'était juste pour rire". Les mots ont un poids, et l'esport vient de le rappeler avec force.
L'Avis de la rédaction
Par Nakmen
Bwipo a cru que l'humour noir était un passeport pour la notoriété, mais il a vite compris que les mots ont des conséquences. Une leçon de vie pour tous les "enfants terribles" de l'esport.
Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Nakmen

Ils en parlent aussi