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Crimes obscurs : Le thriller oubliable où Jim Carrey s’est perdu dans l’ombre
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Il y a 3 heures

Crimes obscurs : Le thriller oubliable où Jim Carrey s’est perdu dans l’ombre

Pourquoi Crimes obscurs, malgré un Jim Carrey intense, reste l’un des thrillers les plus décevants de sa carrière ?

A retenir :

  • Un scénario bancal : Malgré une prémisse intrigante, le film s’enlise dans des clichés et des rebondissements prévisibles, loin des standards de Se7en ou Zodiac.
  • Jim Carrey en demi-teinte : L’acteur livre une performance engagée, mais le manque de cohérence du récit étouffe son potentiel dramatique, déjà vu dans The Truman Show ou Eternal Sunshine.
  • Une ambiance gaspillée : Éclairages sombres, décors austères… Les éléments visuels ne suffisent pas à sauver un film noir qui peine à créer une tension durable, malgré sa disponibilité sur Amazon Prime Video.
  • Un échec rare : Dans la filmographie de Carrey, habitué aux rôles complexes, Crimes obscurs reste un projet audacieux… mais raté, faute d’une réalisation à la hauteur.

Un thriller qui part avec de bonnes intentions… et s’égare en route

Imaginez un Jim Carrey loin de ses grimaces excentriques, plongé dans la peau d’un détective hanté par une affaire non résolue. Sur le papier, Crimes obscurs (Dark Crimes, 2016), réalisé par le Grec Alexandros Avranas (primé à Venise pour Miss Violence), avait tout pour surprendre. Inspiré de faits réels – l’histoire du tueur en série polonais Marek Harasimowicz –, le film promet un mélange de polar psychologique et de drama sombre, avec en toile de fond l’obsession d’un flic brisé. Pourtant, malgré ce postulat séduisant, le résultat déçoit. Pourquoi ?

Dès les premières minutes, le ton est posé : une atmosphère lourde, des plans serrés sur le visage creusé de Tadek (Carrey), et une bande-son minimaliste qui se veut oppressante. Le problème ? Le film ne parvient jamais à transformer cette ambiance en véritable tension. Là où un David Fincher (avec Zodiac) ou un Denis Villeneuve (dans Prisoners) savent distiller le suspense par des détails et une progression implacable, Crimes obscurs s’empêtre dans des dialogues redondants et des scènes qui tournent à vide. Pire : les "rebondissements", annoncés comme chocs, tombent à plat, faute d’une construction narrative solide.


Prenez l’exemple de la relation entre Tadek et Kozlow (interprété par Agata Kulesza), une journaliste qui tente de l’aider. Leur dynamique, censée apporter une dimension humaine à l’intrigue, se résume à des échanges plats, sans véritable enjeu. Même la révélation finale, qui devrait clore le récit avec force, passe comme une formalité. Le film oublie l’essentiel : pour qu’un thriller fonctionne, il faut que le public s’accroche aux personnages, pas seulement à l’atmosphère.

"Un Carrey dramatique, mais un film qui ne le suit pas"

Il y a pourtant une lueur dans ce tableau sombre : Jim Carrey. L’acteur, souvent réduit à ses rôles comiques, prouve une fois de plus qu’il excelle dans les registres plus noirs. Son Tadek, entre rage contenue et désespoir, rappelle ses performances dans The Truman Show (1998) ou Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004). Ses silences, ses regards fuyants, ses éclats de colère… Tout y est pour incarner un homme rongé par son obsession. Mais un grand acteur ne suffit pas à sauver un scénario défaillant.

Comparons avec Se7en (1995), où Morgan Freeman et Brad Pitt évoluent dans un univers cohérent, où chaque indice, chaque dialogue, chaque plan sert l’intrigue. Dans Crimes obscurs, les choix esthétiques – éclairages bleutés, cadrages serrés – semblent plaqués artificiellement, comme pour compenser les trous du récit. Même la bande originale, signée Alexandre Desplat (oscarisé pour The Grand Budapest Hotel), reste discrète au point de passer inaperçue. Le film noie son potentiel dans une mise en scène trop sage, presque timide.


Et puis, il y a ce détail qui agace : le décalage culturel. Le film, tourné en Pologne avec des acteurs locaux (à l’exception de Carrey), oscille entre deux identités. D’un côté, il veut être un thriller américain classique ; de l’autre, il tente de s’ancrer dans un réalisme européen. Résultat ? Une hybridation mal maîtrisée, où les codes du film noir se heurtent à des dialogues parfois maladroits (la version originale est en anglais, mais plusieurs scènes sont en polonais sous-titré). Un mélange qui dessert l’immersion.

Derrière l’échec : un tournage chaotique et des choix discutables

Pour comprendre pourquoi Crimes obscurs a si mal vieilli, il faut remonter à sa genèse. Le projet, initialement prévu comme une mini-série, a été compressé en un long-métrage de 90 minutes – un format trop court pour développer une intrigue aussi ambitieuse. Alexandros Avranas, réalisateur au style habituellement brut (voir Miss Violence), a dû adapter son approche, avec des résultats mitigés.

Autre problème : le montage. Plusieurs scènes clés, comme les flashbacks sur le crime initial, manquent de fluidité. Les ellipses sont trop abruptes, laissant le spectateur perplexe. Charlotte Bruus Christensen, la directrice de la photographie (connue pour The Girl on the Train), avouera plus tard dans une interview avoir dû "bricoler" avec un budget serré et des contraintes de temps. "On a tourné en 25 jours, avec des nuits de 14 heures. Jim était incroyable, mais on sentait qu’on courait après quelque chose qu’on n’attraperait jamais."


Enfin, il y a la question du public cible. Sorti en 2016, le film a bénéficié d’une sortie limitée aux États-Unis avant de atterrir directement en VOD. Amazon Prime Video l’a ensuite récupéré, lui offrant une seconde vie… mais sans véritable promotion. Résultat : Crimes obscurs est passé inaperçu, écrasé par des thrillers bien plus aboutis la même année (The Nice Guys, Nocturnal Animals).

Ironie du sort : le film a trouvé un petit public en Europe de l’Est, où l’histoire, inspirée de faits locaux, a résonné davantage. En Pologne, certains critiques ont salué "un hommage sombre à la criminalité des années 2000", mais la plupart s’accordent sur un point : le film rate son objectif premier – être un thriller captivant.

Et si le vrai crime, c’était de gâcher un tel casting ?

Au-delà de Carrey, Crimes obscurs aligne un casting international intrigant. Agata Kulesza (nommée à l’Oscar pour Ida), Kati Outinen (égérie d’Aki Kaurismäki), ou encore Zbigniew Zamachowski (Le Pianiste de Roman Polanski) auraient pu apporter une profondeur supplémentaire. Pourtant, leurs personnages restent sous-exploités, réduits à des fonctions basiques (la journaliste, le supérieur hiérarchique, la victime…).

Le plus frustrant ? Certaines scènes laissent entrevoir ce que le film aurait pu être. Par exemple, la séquence où Tadek interroge un suspect dans un entrepôt abandonné : l’éclairage à contre-jour, la tension palpable entre les deux hommes, le jeu de Carrey qui bascule dans la folie… Pendant deux minutes, on croit tenir un grand thriller. Puis le plan suivant casse l’élan, et le film retombe dans ses travers.


À titre de comparaison, Nightcrawler (2014), avec Jake Gyllenhaal, exploite une thématique similaire (l’obsession, la descente aux enfers) avec une précision chirurgicale. Chaque scène y a un but, chaque réplique compte. Crimes obscurs, lui, donne l’impression d’être un puzzle dont il manque des pièces.

Faut-il quand même lui donner une chance ?

Malgré ses défauts, le film n’est pas totalement à jeter. Les amateurs de Jim Carrey y trouveront une performance intéressante, même si elle reste en deçà de ses meilleurs rôles. Les fans de polars sombres pourraient aussi apprécier l’ambiance visuelle, inspirée des classiques du film noir (on pense à Le Port de la drogue d’Otto Preminger).

En revanche, si vous cherchez un thriller haletant, passez votre chemin. Crimes obscurs est le genre de film qu’on regarde par curiosité, puis qu’on oublie rapidement. Son seul vrai crime ? Avoir gaspillé un acteur aussi talentueux que Carrey dans un projet qui ne savait pas où il allait.


Pour les plus courageux, une piste d’exploration : visionnez-le en version originale sous-titrée. Les dialogues en polonais (non doublés) donnent une authenticité supplémentaire aux scènes locales, même si cela ne comble pas les lacunes du scénario. Et si vous aimez les films ratés mais fascinants, Crimes obscurs pourrait devenir un objet de culte… malgré lui.

Crimes obscurs reste un ovni dans la filmographie de Jim Carrey – ni tout à fait un échec cuisant, ni une réussite mémorable. C’est un film qui aurait pu être un grand thriller psychologique, mais qui s’est perdu en route, victime d’un scénario trop faible et d’une réalisation indécise. Aujourd’hui disponible sur Amazon Prime Video, il mérite peut-être un visionnage par curiosité, surtout pour les fans de l’acteur. Mais attention : une fois le générique de fin lancé, vous aurez probablement déjà oublié l’intrigue.

Et si le vrai mystère de Crimes obscurs était finalement… pourquoi personne n’a stoppé ce projet à temps ?

L'Avis de la rédaction
Par Celtic
"Jim Carrey, le roi des grimaces, se transforme en détective torturé. Mais derrière ses silences et ses regards fuyants, le film s'égare dans des dialogues redondants et des scènes qui tournent à vide. Un thriller qui promet beaucoup mais ne livre que des croquignolesques rebondissements. Carrey, malgré son talent, ne peut sauver un scénario défaillant. Le film noie son potentiel dans une mise en scène trop sage, presque timide. Un mélange de thriller américain et de réalisme européen qui ne convainc pas. Un casting international intrigant, mais sous-exploité. Le film rate son objectif premier : être un thriller captivant. Jim Carrey, malgré tout, offre une performance intéressante, mais le film reste un puzzle incomplet. Pour les amateurs de films ratés mais fascinants, c'est un objet de culte... malgré lui."
Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Celtic

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