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**Man of Tai Chi** : Quand Keanu Reeves ose un hommage martial (et en paie le prix)
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Un film culte raté ?
En 2013, **Keanu Reeves** abandonne temporairement les costumes de **John Wick** ou **Neo** pour réaliser Man of Tai Chi (El poder del Tai Chi), un hommage vibrant aux films de kung-fu des années 1970. Malgré des chorégraphies époustouflantes signées **Tiger Chen** (son ancien double cascadeur) et une esthétique visuelle soignée, le film essuie un cuisant échec commercial (5M$ de recettes pour 25M$ de budget). Pourtant, les critiques saluent son audace et sa fidélité aux codes du genre. Retour sur ce projet passion, victime d’une distribution timide et d’un public peu préparé à voir Reeves derrière la caméra.A retenir :
- Man of Tai Chi : le premier (et unique ?) film réalisé par **Keanu Reeves**, un hommage assumé aux classiques des Shaw Brothers, avec des chorégraphies signées par son ancien cascadeur, **Tiger Chen**.
- Un échec commercial retentissant : 5M$ de recettes mondiales pour un budget de 25M$, malgré des critiques positives. À comparer avec The Raid (2011, 15M$ de recettes pour 1M$ de budget) ou The Grandmaster (2013, 6,6M$ aux États-Unis seul).
- Un film trop en avance sur son temps ? Entre tradition (décors et musique inspirés des années 70) et modernité (violence crue et rythme soutenu), Man of Tai Chi divise, mais fascine les amateurs d’arts martiaux.
- Pourquoi ce projet a-t-il souffert d’un manque de visibilité ? Une distribution confidentielle, un marketing quasi inexistant, et l’ombre de John Wick (sorti un an plus tard), qui a éclipsé cette pépite méconnue.
De Matrix à Man of Tai Chi : la passion secrète de Keanu Reeves pour les arts martiaux
Tout commence sur le tournage de Matrix (1999). **Keanu Reeves**, alors en pleine préparation pour incarner **Neo**, rencontre **Tiger Chen**, un expert en tai chi et cascadeur expérimenté. Leur collaboration dépasse le cadre du film : Chen devient son entraîneur personnel, et une amitié solide se tisse. Des années plus tard, Reeves, fatigué des blockbusters, rêve d’un projet plus intime. "Je voulais explorer la philosophie derrière les arts martiaux, pas juste les coups de poing"*, confiera-t-il plus tard.
En 2013, le projet voit le jour : Man of Tai Chi, un film où Reeves endosse deux casquettes, celle de réalisateur et de méchant charismatique (le mystérieux **Donaka Mark**, patron d’un tournoi clandestin). Le scénario suit **Tiger Chen** (dans son propre rôle, presque), un jeune maître de tai chi entraîné dans un monde de combats illégaux. Un récit classique ? Oui, mais porté par une esthétique rétro assumée : couleurs saturées, musiques évoquant les bandes originales des **Shaw Brothers**, et des chorégraphies où chaque mouvement semble peint à la main.
Pourtant, derrière cette façade vintage se cache une violence moderne et brutale. Les combats, filmés sans fard, contrastent avec la poésie des scènes de tai chi. Reeves explique : "Je voulais montrer la dualité – la beauté du geste, mais aussi sa dangerosité."* Un choix audacieux, qui déroute certains fans de kung-fu "propre", habitués aux chorégraphies plus stylisées d’un **Jet Li** ou d’un **Jackie Chan**.
"Un film pour les puristes" : pourquoi Man of Tai Chi a divisé (et fasciné)
À sa sortie, le film est encensé par la critique spécialisée (72% sur Rotten Tomatoes), mais boudé par le grand public. **Pourquoi un tel décalage ?** Plusieurs raisons :
- Une distribution catastrophique : sorti en salles limitées aux États-Unis (à peine 50 copies), le film est rapidement relégué aux oubliettes. En France, il passe inaperçu, malgré une sortie directe en DVD. "Un gaspillage pour un film aussi visuel"*, regrette un distributeur français.
- Un marketing inexistant : contrairement à John Wick (2014), qui bénéficiera d’une campagne agressive ciblant les fans d’action, Man of Tai Chi mise sur le bouche-à-oreille. Une erreur, selon **Donnie Yen** (star de Ip Man), qui déclare : "Les films d’arts martiaux ont besoin d’être vendus comme des événements, pas comme des curiosités."*
- Un public mal préparé : les spectateurs attendaient-ils un nouveau Matrix ? Ou un film de kung-fu "classique" ? Man of Tai Chi est les deux à la fois, et ni l’un ni l’autre. "C’est un film pour les puristes, pas pour les masses"*, résume un critique du Hollywood Reporter.
Pourtant, le film trouve son public… trop tard. Aujourd’hui, il est considéré comme un culte underground, souvent cité aux côtés de The Raid (2011) ou Ong-Bak (2003) pour son réalisme et son audace. "Si ce film était sorti après John Wick, il aurait peut-être eu sa chance"*, spéculait **Tiger Chen** en 2020.
Dans l’ombre de John Wick : le paradoxe de Keanu Reeves réalisateur
Ironie du sort : un an après Man of Tai Chi, **Keanu Reeves** retrouve le succès avec John Wick (2014), un film d’action pur qui exploite… ses compétences en arts martiaux ! Le contraste est frappant :
Man of Tai Chi (2013) John Wick (2014) Budget : 25M$ Budget : 20M$ Recettes : 5M$ Recettes : 86M$ Sortie limitée, marketing quasi nul Campagne agressive, ciblage précis Hommage aux films de kung-fu Action moderne, rythme effrénéMan of Tai Chi était-il trop en avance ? Ou simplement mal vendu ? **Tiger Chen** pense que le film a souffert de son "manque de stars bankables"* (hors Reeves, peu connu comme réalisateur). À l’inverse, John Wick a surfé sur l’image de "badass" de son acteur, avec un marketing axé sur "le retour du Keanu Reeves qui botte des fesses"*.
Pourtant, Man of Tai Chi reste un projet cohérent et personnel. Reeves y explore des thèmes chers à **Matrix** (la dualité, la maîtrise de soi), mais avec une approche plus intimiste. "C’était mon love letter aux arts martiaux"*, avouera-t-il en 2018. Une lettre d’amour que peu ont lue à temps.
"Le tai chi, c’est comme la vie" : la philosophie cachée du film
Derrière les combats spectaculaires se cache une réflexion sur l’équilibre. Le tai chi, art martial basé sur la fluidité et la non-violence, est détourné par **Donaka Mark** (Reeves) pour en faire un spectacle sanglant. Une métaphore ? "Oui, absolument"*, confirme **Tiger Chen**. "Le film parle de comment on corrompt ce qui est pur. Comme Hollywood avec le cinéma, parfois."*
Les scènes de combat alternent entre :
- La grâce : les mouvements de tai chi, filmés en plans larges, évoquent une danse.
- La brutalité : les combats dans l’arène, filmés caméra à l’épaule, rappellent The Raid.
Cette dualité se retrouve dans la bande originale, signée **Henry Jackman** (compositeur de Captain America). Des mélodies traditionnelles chinoises côtoient des beats électroniques, créant une tension auditive qui renforce l’ambivalence du récit.
"C’est le seul film où j’ai senti que Keanu comprenait vraiment la philosophie martiale"*, confie un maître de kung-fu ayant travaillé sur le tournage. Une rare incursion dans un cinéma à la fois physique et spirituel, loin des superproductions asceptisées.
Et si Man of Tai Chi était un échec… utile ?
Malgré son échec commercial, le film a eu un impact insoupçonné :
- Il a relancé la carrière de Tiger Chen : après le film, ce dernier a chorégraphié des scènes pour Marvel (Doctor Strange) et DC (Aquaman).
- Il a inspiré des réalisateurs : **Gareth Evans** (The Raid) a cité Man of Tai Chi comme une influence pour The Night Comes for Us (2018).
- Il a prouvé que Reeves pouvait réaliser : bien que discret, le film a ouvert des portes pour son projet suivant… John Wick.
Aujourd’hui, Man of Tai Chi est un film maudit, adulé par une niche de fans mais ignoré du grand public. Sur les réseaux, des pétitions réclament une suite ou une réédition en salles. **Keanu Reeves**, lui, reste évasif : "Si les gens le veulent, pourquoi pas ? Mais il faut que ce soit pour les bonnes raisons."*
Une chose est sûre : sans cet échec, John Wick n’aurait peut-être jamais existé. Et ça, c’est une victoire à retardement.
Man of Tai Chi est un film de contradictions : trop traditionnel pour les fans d’action moderne, trop violent pour les puristes du kung-fu. Pourtant, c’est cette hybridation qui en fait une œuvre unique, un pont entre deux époques du cinéma martial. Si son échec commercial reste une énigme (comment un film aussi bien chorégraphié a-t-il pu passer inaperçu ?), son héritage, lui, est bien vivant.
Pour les amateurs de cinéma d’arts martiaux, c’est un trésor caché – une preuve que **Keanu Reeves**, derrière la caméra, a plus d’une corde à son arc. Et si vous ne l’avez pas encore vu ? Peut-être est-il temps de rattraper cette pépite méconnue… avant qu’elle ne devienne (enfin) culte.

