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Starfield : L'Odyssée de Bethesda, entre Ambition Cosmique et Réalité Technique
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Après plus de 25 ans d'attente, Starfield débarque enfin comme le projet le plus ambitieux de Bethesda Game Studios. Ce RPG spatial, annoncé comme une révolution du genre, promet un univers de 1 000 planètes à explorer, une narration profonde et un système de gameplay hybride entre simulation et action. Mais entre les promesses marketing et la réalité technique, où se situe vraiment cette odyssée interstellaire ?
A retenir :
- 1 000 planètes explorables : Une promesse tenue, mais avec des limites techniques évidentes en termes de diversité et de contenu procédural.
- Un système de création de personnage poussé, hérité des Elder Scrolls, mais adapté à un contexte sci-fi avec des compétences uniques comme le pilotage ou la recherche extraterrestre.
- Des choix narratifs impactants : Les quêtes principales offrent des bifurcations majeures, mais les factions (comme les Freestar Collective ou UC Vanguard) manquent parfois de profondeur.
- Des performances techniques mitigées : Malgré le Xbox Series X et le PC haut de gamme, des bugs persistants et un pop-in agressif entachent l'immersion.
- Un potentiel modding colossal : Comme pour Skyrim, la communauté pourrait transformer Starfield en une expérience bien plus riche d'ici quelques mois.
Aux Origines d'un Rêve Spatial : L'Histoire Tourmentée de Starfield
L'idée de Starfield germe dans l'esprit de Todd Howard dès les années 1990, alors que Bethesda Game Studios peine encore à s'imposer face à des géants comme Black Isle ou BioWare. À l'époque, le studio planche sur Terminator: Future Shock (1995), un FPS futuriste qui préfigure déjà son obsession pour les mondes ouverts. Mais c'est après le succès critique de Morrowind (2002) que le projet prend vraiment forme. "Nous voulions créer un Elder Scrolls dans l'espace", confie Howard dans une interview de 2018, révélant que le jeu était initialement prévu pour la Xbox 360 avant d'être reporté à cause de Fallout 3 (2008) et Skyrim (2011).
Le développement officiel commence en 2015, après la sortie de Fallout 4, avec une équipe dépassant les 500 personnes – un record pour Bethesda. Le studio mise sur son nouveau moteur, le Creation Engine 2, censé gérer des environnements planétaires sans loading screens. Pourtant, des rumeurs internent dès 2019 : des retards répétés, des fonctionnalités abandonnées (comme un système de gravité réaliste), et des tensions avec Microsoft après le rachat de ZeniMax en 2020. "Starfield était trop gros pour une seule console", explique un ancien développeur sous couvert d'anonymat, évoquant des compromis techniques imposés par la Xbox Series X.
La révélation officielle lors de l'E3 2021 (via une bande-annonce cinématique) crée l'événement, mais les joueurs remarquent vite l'absence de gameplay. Il faudra attendre juin 2022 pour découvrir les premiers extraits, et le Starfield Direct de juin 2023 pour confirmer la date de sortie : le 6 septembre 2023. Un timing serré, qui explique peut-être les bugs persistants (collisions, IA défaillante) encore présents dans la version finale.
New Atlantis et les Illusions de la Liberté : Quand l'Immersion Se Heurte aux Limites Techniques
New Atlantis, capitale du système Alpha Centauri et cœur politique de la Colony War, est présentée comme le joyau de Starfield. Avec ses gratte-ciels futuristes, ses ruelles animées et son port spatial, la ville rappelle Coruscant (Star Wars) ou Citadel (Mass Effect). Pourtant, derrière cette façade impressionnante se cachent des compromis décevants. Les PNJ (personnages non-joueurs) répètent inlassablement les mêmes dialogues, et les bâtiments, bien que détaillés, sont souvent vides. "C'est un Skyrim dans l'espace, avec les mêmes forces et les mêmes faiblesses", résume JeuxVideo.com dans son test.
Le système de scan planétaire, censé révolutionner l'exploration, illustre parfaitement cette dualité. En théorie, le joueur peut atterrir sur n'importe quelle planète parmi les 1 000 disponibles, analyser sa faune, sa flore, et ses ressources. En pratique, la plupart des mondes se résument à des paysages procéduraux répétitifs, avec une poignée de POI (points d'intérêt) copiés-collés. "Nous avons créé des algorithmes pour générer des écosystèmes crédibles", explique Emil Pagliarulo, directeur narratif, mais les joueurs notent vite que les Chaurus (créatures hostiles) de Nixon (une lune glacée) ressemblent étrangement à ceux de Polaris IV.
Le combat spatial, autre pilier du gameplay, souffre lui aussi de simplifications. Les vaisseaux, bien que personnalisables (plus de 50 modules disponibles), manquent de poids physique. Les batailles rappellent Freelancer (2003) plus que Elite Dangerous, avec une IA ennemie souvent prévisible. "Bethesda a choisi l'accessibilité plutôt que le réalisme", commente PC Gamer, soulignant que même le système de gravité zéro est optionnel.
"Starfield n'est pas un simulateur spatial, mais un RPG avec des éléments de simulation." — Todd Howard, Game Awards 2022.
Les Factions de Starfield : Entre Profondeur Narrative et Opportunités Manquées
Contrairement à Mass Effect ou The Outer Worlds, Starfield mise sur un système de factions non exclusives : le joueur peut rejoindre (et trahir) plusieurs groupes simultanément. Parmi eux, quatre se distinguent :
- UC Vanguard : Une milice pro-Colonie Unie, inspirée des Marines de Starship Troopers, avec des quêtes axées sur le combat et l'espionnage.
- Freestar Collective : Un mélange de cow-boys spatiaux et de mercenaires, où les choix moraux pèsent lourd (ex : sauver un village ou le piller).
- Ryujin Industries : Une mégacorporation cynique, avec des missions rappelant Cyberpunk 2077 (sabotages, négociations tendues).
- Constellation : L'équivalent des Explorers Guild, centré sur la découverte d'artefacts mystérieux (liés au lore principal).
Pourtant, malgré des arcs narratifs bien écrits (notamment celui de Barrett, un scientifique obsédé par les Artifacts), les factions peinent à offrir une immersion sociale convaincante. Les membres clés, comme Sarah Morgan (Constellation) ou Paolo (Freestar), manquent de développement. "Les dialogues sont bien écrits, mais les personnages restent des coquilles vides", critique IGN France, comparant défavorablement à The Witcher 3.
Le système de réputation, censé influencer les interactions, est lui aussi sous-exploité. Gagner la confiance du Crimson Fleet (pirates) devrait ouvrir des options de dialogue uniques, mais en pratique, les changements sont minimes. Seule la faction UC Vanguard propose une quête finale vraiment impactante, où le joueur doit choisir entre détruire une base rebelle ou la laisser s'échapper – un dilemme moral rare dans le jeu.
Sous le Capot : Creation Engine 2, entre Progrès et Héritage Encombrant
Le Creation Engine 2, moteur maison de Bethesda, était supposé marquer une rupture avec les problèmes historiques du studio (bugs, animations rigides). Pourtant, Starfield en hérité bon nombre de défauts :
- Pop-in agressif : Les textures mettent plusieurs secondes à se charger, même sur PC avec RTX 4090.
- Animations faciales : Les personnages parlent souvent "la bouche fermée", un problème récurrent depuis Fallout 4.
- Physique approximative : Les objets flottent parfois en apesanteur, et les collisions sont aléatoires.
- Optimisation mémoire : Le jeu consomme jusqu'à 23 Go de RAM, posant problème sur les configurations moyennes.
Pourtant, des progrès sont visibles. Le système d'éclairage dynamique, couplé au ray tracing, offre des paysages spatiaux spectaculaires (les nébuleuses de Cheyenne System sont sublimes). La modularité des vaisseaux est aussi un point fort : chaque pièce (réacteur, cockpit, armes) a un impact sur les performances, rappelant X4: Foundations mais en plus accessible.
Côté modding, Bethesda confirme son engagement avec la sortie simultanée du Creation Kit (outil de modification officiel). Dès la première semaine, des mods corrigent les bugs les plus gênants (comme les T-Pose des PNJ), tandis que d'autres ajoutent des planètes manquantes ou des factions custom. "Starfield sera ce que la communauté en fera", prédit Nexus Mods, rappelant que Skyrim compte encore 80 000 mods actifs en 2023.
L'Héritage de Starfield : Un Fondement pour les RPG Spatiaux de Demain ?
Malgré ses défauts, Starfield marque un tournant pour le genre. Avant lui, les RPG spatiaux se divisaient en deux catégories :
- Les simulateurs (Elite Dangerous, X4) : Réalistes mais arides, réservés aux hardcore gamers.
- Les narratifs (Mass Effect, The Outer Worlds) : Accessibles mais linéaires, avec peu de liberté.
Bethesda tente une synthèse audacieuse, en misant sur :
- Une échelle inédite (1 000 planètes, 100 systèmes stellaires).
- Un système de crafting profond (armures, armes, drogues, nourriture).
- Une narration réactive (choix, conséquences, factions dynamiques).
Pourtant, le jeu peine à égaler des titres comme No Man's Sky (mises à jour constantes) ou Cyberpunk 2077 (monde vivant). "Starfield est un Skyrim 2.0 avec des fusées", résume Canard PC, soulignant que le jeu brille surtout quand il ose s'éloigner des formules éprouvées – comme dans la quête "The Entangled", où le joueur explore un univers parallèle via un artefact alien.
L'avenir de la franchise dépendra de deux facteurs :
- Les mises à jour : Bethesda a promis des DLC majeurs (dont Shattered Space en 2024), ainsi que des corrections de bugs.
- La communauté : Comme pour Fallout 4, les mods pourraient combler les lacunes (ajout de quêtes, amélioration de l'IA).
En attendant, Starfield reste une expérience inégale mais fascinante – un mélange de génie créatif et de compromis techniques, qui rappelle que même les studios les plus ambitieux doivent composer avec la réalité du développement AAA.
Starfield est à l'image de l'espace qu'il dépeint : vaste, impressionnant, mais parsemé de vides. Bethesda a réussi le pari de créer un RPG spatial grand public, accessible sans être simpliste, ambitieux sans être prétentieux. Pourtant, les joueurs en attendaient plus – une révolution, là où ils obtiennent une évolution. Les 1 000 planètes sont bien là, mais beaucoup ne sont que des coquilles vides. Les factions offrent des choix, mais manquent de profondeur. Le Creation Engine 2 montre des progrès, mais traîne encore les vieux démons de Skyrim.
Pour autant, Starfield pose les bases d'une nouvelle ère. Comme Morrowind en 2002 ou The Witcher 3 en 2015, il pourrait devenir un classique grâce à sa communauté. Les mods arriveront, les extensions aussi, et dans cinq ans, on parlera peut-être de ce jeu comme d'une œuvre majeure. En l'état, c'est un diamant brut – beau, prometteur, mais encore trop rugueux pour briller pleinement.
Une chose est sûre : après Starfield, les RPG spatiaux ne seront plus jamais les mêmes. Et ça, c'est déjà une victoire.

