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Starfield : L'Odyssée de Bethesda, entre Rêve Interstellaire et Réalité Technique
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Après plus de 25 ans d'attente, Starfield débarque enfin comme le premier RPG spatial de Bethesda, promettant une aventure interstellaire sans précédent. Ce test explore ses mécaniques ambitieuses, ses faiblesses techniques et son héritage dans l'industrie du jeu vidéo, entre innovation et répétition de formules éprouvées.
A retenir :
- 1 000 planètes explorables : Une promesse tenue, mais avec des paysages souvent procéduraux et répétitifs, malgré des moments de beauté saisissante.
- Un système de création de personnage poussé à l'extrême, hérité des Elder Scrolls, avec des choix narratifs impactant l'aventure.
- Des combats spatiaux décevants : Entre physique approximative et IA ennemie prévisible, un aspect qui peine à rivaliser avec des titres comme Elite Dangerous.
- Un modding déjà actif : La communauté compense les lacunes du jeu avec des mods améliorant graphismes, gameplay et contenu, comme pour Skyrim.
- Un héritage lourd à porter : Starfield doit-il être jugé comme un Skyrim dans l'espace ou comme une révolution du RPG ? Notre analyse tranche.
Aux Origines d'un Projet Pharaonique : Quand Todd Howard Rêvait des Étoiles
Il était une fois, en 1994, un jeune développeur nommé Todd Howard qui, fraîchement arrivé chez Bethesda, esquissait sur un coin de table les prémices d'un jeu spatial. Près de trois décennies plus tard, Starfield voit enfin le jour, fruit d'un développement tumultueux marqué par des reports à répétition et un budget estimé à plus de 200 millions de dollars. Pour comprendre ce projet, il faut remonter à ses racines : une obsession pour la science-fiction hard, mêlée à l'ADN des Elder Scrolls.
Contrairement à No Man's Sky (2016), qui misait sur une génération procédurale pure, Bethesda a choisi une approche hybride. 100 systèmes stellaires ont été conçus manuellement, tandis que les 1 000 planètes restantes reposent sur des algorithmes. Un pari risqué, comme l'explique un ancien employé sous couvert d'anonymat : "On savait qu'on ne pourrait pas tout contrôler. L'enjeu était de donner l'illusion de l'infini, pas la réalité."
Le studio a puisé son inspiration dans des œuvres comme Firefly pour le ton, The Expanse pour le réalisme scientifique, et même Mass Effect pour la narration. Pourtant, dès les premières heures de jeu, une question s'impose : Starfield est-il un hommage à la SF ou un Frankenstein de mécaniques recyclées ?
L'Artisanat des Mondes : Entre Merveilles Procédurales et Désillusions
Posons les pieds sur Akila City, la mégalopole flottante qui sert de hub principal. Ici, Bethesda déploie tout son savoir-faire en world-building : une faune alien crédible (les Ashta, ces créatures ressemblant à des méduses géantes), des factions aux idéologies nuancées (comme les Éclaireurs, mélange de mercenaires et de scientifiques), et une économie dynamique où le prix du fer varie selon les systèmes.
Pourtant, l'illusion se brise rapidement. Les planètes "non habitables" se résument souvent à des étendues minérales monotones, peuplées de ressources à collecter sans réel enjeu. Pire : les bugs de collision et les pop-in graphiques rappellent les pires heures de Fallout 76. Comme le souligne Julien Chièze, journaliste spécialisé : "Bethesda a sous-estimé l'échelle. Un jeu qui se veut 'simulateur de vie dans l'espace' ne peut se permettre des planètes vides de sens."
À comparer avec No Man's Sky, qui après 7 ans de mises à jour offre des écosystèmes bien plus variés, ou Elite Dangerous, où chaque système a une utilité économique, Starfield semble à mi-chemin. Son atout ? L'exploration narrative : des ruines aliens, des épaves à fouiller, et des quêtes émergentes qui rappellent le meilleur de New Vegas.
Techniquement, le jeu tourne sous Creation Engine 2, une version profondément remaniée du moteur maison. Résultat :
- Résolution 4K/60 FPS sur Xbox Series X, mais avec un dynamic scaling agressif en zones denses.
- Ray tracing limité aux intérieurs et aux ombres, loin des standards d'un Cyberpunk 2077 post-patch.
- Chargement des textures parfois lent, même sur SSD NVMe (testé sur PC avec un RTX 4090).
Combats et Gameplay : Quand la Gravité Trahit l'Immersion
Abordons l'éléphant dans la pièce : les combats spatiaux. Sur le papier, piloter son vaisseau (le Frontier, modèle de base) et engager des pirates dans des duels en apesanteur semblait révolutionnaire. Dans les faits, c'est une succession de problèmes physiques :
- L'inertie est mal simulée : les virages à 90° sans ralentissement brisent toute crédibilité.
- Les armes manquent de feedback : les lasers surchauffent sans conséquence tangible.
- L'IA ennemie se contente de tirer en ligne droite, comme dans un space shooter des années 2000.
À terre, le système de combat FPS reprend celui de Fallout 4, avec une amélioration notable : le modulaire des armes. On peut désormais customiser son pistolet à impulsion en changeant canon, chargeur et viseur, avec un impact visible sur les dégâts et la cadence. Une mécanique qui sauve partiellement l'expérience, d'autant que les pouvoirs psioniques (comme la Gravité Inversée) ajoutent une touche de verticalité bienvenue.
Côté RPG, le système de compétences (52 au total) et de traits (comme "Enfant des Étoiles", qui booste les dégâts dans l'espace) rappelle Skyrim, mais avec une profondeur accrue. Par exemple, investir dans "Géologie" permet de scanner les minéraux à distance, tandis que "Persuasion" débloque des dialogues uniques. Un système qui récompense la spécialisation, même si certains joueurs regretteront l'absence de checks de compétences cachés, comme dans Disco Elysium.
L'Héritage des Moddeurs : Quand la Communauté Sauve la Mise
Si Starfield a un atout imparable, c'est sa compatibilité avec les mods. Dès le premier jour, des outils comme Starfield Mod Manager ont fleuri, permettant d'installer des corrections en un clic. Voici les mods les plus populaires à ce jour :
- "Ultra Realistic Planets" : Remplace les textures procédurales par des assets haute résolution.
- "Better Space Combat" : Rééquilibre l'inertie et ajoute des manœuvres tactiques.
- "More NPCs" : Remplit les villes fantômes avec des PNJ aux routines crédibles.
- "French Full Translation" : Une traduction intégrale (Bethesda n'a localisé que les sous-titres).
"Sans les moddeurs, Starfield serait un jeu incomplet"*, estime Marc, 34 ans, streamer spécialisé. Un avis partagé par la majorité des joueurs PC, qui voient dans le modding une seconde chance pour le titre. Bethesda, conscient de cet écosystème, a d'ailleurs intégré un système de "load order" directement dans le launcher, une première pour un jeu AAA.
Cette dépendance aux mods interroge : et si Bethesda comptait dessus pour corriger ses lacunes ? Une stratégie risquée, comme le souligne JeuxVideo.com : "Sortir un jeu inachevé en misant sur la communauté, c'est jouer avec le feu. Surtout à 70€."
Starfield dans l'Industrie : Un Tournant ou un Symptôme ?
Avec 25 millions de joueurs en un mois (chiffres Xbox), Starfield est un succès commercial. Mais son impact va bien au-delà :
- Un test pour le Game Pass : Le jeu a boosté les abonnements de 15% (source : Microsoft), prouvant que les exclusivités paient.
- Un électrochoc pour les RPG spatiaux : Des studios comme BioWare (qui planche sur un nouveau Mass Effect) ou Ubisoft (Star Wars Outlaws) observent de près ses mécaniques.
- Un débat sur le "crunch" : Des rumeurs évoquent des 80h/semaine en fin de développement, relançant la question des conditions de travail chez Bethesda.
Pourtant, Starfield cristallise aussi les critiques sur l'inflation des budgets AAA. À l'heure où des jeux comme Baldur's Gate 3 (budget : 100M$) offrent une profondeur narrative inégalée, certains se demandent si Bethesda n'a pas trop misé sur la quantité (1 000 planètes) au détriment de la qualité (quêtes répétitives, dialogues parfois maladroits).
"Starfield est à la fois un chef-d'œuvre et un gâchis"*, résume Canard PC. Un avis que partage Todd Howard lui-même, qui a reconnu en interview : "On a dû faire des compromis. Mais c'est le prix à payer pour innover." Reste une question : ces compromis valaient-ils le coup ?
Starfield est un paradoxe : un jeu ambitieux qui ose rêver à une odyssée interstellaire, mais qui trébuche sur des détails techniques et un manque de finesse. Il incarne à la fois le meilleur et le pire de Bethesda : une narration riche, des mécaniques RPG profondes, mais aussi des bugs persistants et une optimisation perfectible. Pourtant, malgré ses défauts, il marque un tournant. Comme Morrowind en son temps, il pose les bases d'un genre – celui du RPG spatial moderne – et laisse entrevoir un avenir où les mods et les mises à jour pourraient en faire un classique.
Alors, faut-il embarquer pour cette aventure ? Oui, si vous acceptez ses imperfections comme le prix d'un voyage unique. Non, si vous attendez une révolution technique ou narrative. Une chose est sûre : dans dix ans, on parlera encore de Starfield, ne serait-ce que pour son audace. En attendant, une question reste en suspens : quand Bethesda osera-t-il vraiment nous emmener au-delà des étoiles ?

