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Total Chaos : quand un mod de Doom 2 devient un cauchemar psychologique à couper le souffle
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Un mod devenu chef-d'œuvre de l'horreur ?
Total Chaos, né d’un humble mod de Doom 2, s’impose aujourd’hui comme une expérience autonome de terreur psychologique, fusionnant l’ADN des FPS rétro avec des mécaniques de survie modernisées. Développé par Trigger Happy Interactive, ce titre défie les attentes en proposant une direction artistique audacieuse, une bande-son signée Akira Yamaoka (le génie derrière Silent Hill), et des effets visuels hypnotiques conçus par Sam Prebble, vétéran des effets spéciaux d’Avatar et de La Planète des singes. Entre action frénétique, narration fragmentée et immersion sensorielle, Total Chaos prouve qu’un projet issu de la scène modding peut rivaliser – voire surpasser – les productions AAA.
A retenir :
- Total Chaos : d’un mod de Doom 2 à une expérience autonome d’horreur psychologique, alliant FPS rétro et mécaniques de survie modernes.
- Une bande-son glaçante composée par Akira Yamaoka (Silent Hill), où le son devient une arme pour plonger le joueur dans une angoisse immersive.
- Des effets visuels déstabilisants signés Sam Prebble (ex-Avatar, La Planète des singes), jouant sur l’éclairage dynamique et les distorsions pour brouiller réalité et cauchemar.
- Un ray tracing disponible sur PS5 et Xbox Series X, une première pour un jeu issu du modding, prouvant que l’ambition technique n’a pas de limites.
- Entre DUSK et Scorn, le jeu mise sur des ennemis difformes et une narration fragmentée pour une descente vertigineuse dans la folie.
- Un mélange explosif d’action rétro, d’horreur psychologique et d’innovation technique qui redéfinit l’héritage des FPS classiques.
Des origines modestes à une ambition démesurée
Tout commence en 2018, lorsque Trigger Happy Interactive, un petit studio indépendant, décide de transformer un mod de Doom 2 en une expérience à part entière. À l’époque, les mods de Doom pullulent, mais peu osent franchir le cap vers un jeu commercial. Pourtant, Total Chaos n’est pas un simple hommage : c’est une réinvention. Le studio, dirigé par Sam Prebble – un ancien des effets visuels d’Avatar et de La Planète des singes –, y voit l’opportunité de fusionner l’action pure des FPS des années 90 avec une narration psychologique digne des meilleurs jeux d’horreur modernes.
Le résultat ? Un titre qui emprunte aux mécaniques de Doom (mouvements rapides, armes satisfaisantes) tout en y greffant une couche de survie angoissante. Les munitions sont rares, les ennemis imprévisibles, et l’environnement semble vivant, comme s’il réagissait aux peurs du joueur. Une approche qui rappelle DUSK (2018), mais avec une dimension psychologique bien plus prononcée. Ici, ce n’est pas seulement une question de tirer ou de fuir : c’est une lutte contre sa propre perception.
Ce qui frappe dès les premières minutes, c’est l’ambiance. Fort Oasis, le lieu principal du jeu, est une base militaire abandonnée où chaque couloir semble respirer. Les murs suintent, les ombres bougent sans raison apparente, et les sons – souvent inaudibles – créent une tension permanente. Le studio a travaillé sur des distorsions visuelles qui apparaissent progressivement, comme si le joueur perdait pied avec la réalité. Une technique qui n’est pas sans rappeler Scorn (2022), mais avec une approche moins lovecraftienne et plus humaine, comme si la folie était contagieuse.
Quand Akira Yamaoka transforme le silence en arme
Si l’aspect visuel de Total Chaos est déjà impressionnant, c’est sa bande-son qui élève l’expérience à un autre niveau. Composée par Akira Yamaoka, le maître derrière les musiques de Silent Hill, elle est un mélange de dissonances industrielles, de mélodies hypnotiques et de silences calculés. Yamaoka, connu pour sa capacité à faire du son un personnage, pousse ici le concept encore plus loin : la partition s’adapte dynamiquement aux actions du joueur.
Par exemple, lors d’une séquence de poursuite, les basses fréquences s’intensifient, tandis que les aigus deviennent stridents, comme si l’air lui-même vibrait de danger. À l’inverse, dans les moments d’exploration, la musique se fait presque mélodique, avant de basculer brutalement dans le chaos. Une technique qui rappelle The Evil Within 2 (2017), mais avec une abstraction bien plus expérimentale. Les joueurs familiers de Silent Hill 2 retrouveront cette sensation unique où le silence devient une menace, tandis que les néophytes découvriront comment le son peut manipuler leurs émotions sans qu’ils s’en rendent compte.
Yamaoka a enregistré une partie de la bande-son avec des instruments réels (violons, pianos préparés), avant de les déformer électroniquement. Le résultat est à la fois organique et artificiel, comme si la musique elle-même était corrompue. Certains thèmes, comme celui du boss final, utilisent des boucles sonores répétitives qui finissent par hypnotiser le joueur, renforçant l’idée d’une spirale mentale dont on ne peut s’échapper.
"On a voulu que le joueur doute de tout" – Sam Prebble
Derrière Total Chaos, il y a une volonté claire : déstabiliser le joueur. Sam Prebble, le directeur créatif, explique : "On ne voulait pas faire un simple jeu d’horreur. On voulait que les joueurs remettent en question ce qu’ils voient, ce qu’ils entendent, et même ce qu’ils ressentent." Pour y parvenir, l’équipe a utilisé des techniques inspirées du cinéma et des neurosciences.
Par exemple, les ennemis ne se contentent pas d’être effrayants : leurs proportions sont volontairement déformées (membres trop longs, visages asymétriques), et leurs mouvements sont saccadés, comme s’ils défiaient les lois de la physique. Une approche qui rappelle les créatures de Scorn, mais avec une touche plus psychologique. Certains adversaires disparaissent quand on les fixe trop longtemps, ou changent de forme selon l’angle de vue. "C’est une façon de jouer avec la perception du joueur, de lui faire douter de sa propre santé mentale," précise Prebble.
Les effets visuels jouent aussi un rôle clé. Les développeurs ont utilisé des filtres dynamiques qui altèrent légèrement les couleurs et les contours à mesure que le joueur progresse. Au début, les changements sont subtils : un léger flou, une teinte verdâtre qui s’installe. Mais plus on avance, plus les distorsions deviennent extrêmes, jusqu’à ce que l’écran semble fondre. Une technique qui rappelle les hallucinations de Eternal Darkness (2002), mais poussée à son paroxysme.
Le ray tracing, disponible sur PS5 et Xbox Series X, ajoute une couche de réalisme troublant. Les reflets sur les flaques de sang, les ombres qui s’étirent de manière anormale, ou la lumière qui semble vivante… Tout concourt à créer une immersion totale. "On voulait que les joueurs aient l’impression de perdre pied, comme si le jeu lui-même était en train de les avaler," confie Prebble. Mission accomplie.
Un game design qui joue avec vos nerfs
Total Chaos n’est pas qu’une question d’ambiance : son game design est conçu pour épuiser mentalement le joueur. Contrairement à des titres comme Doom Eternal (2020), où la maîtrise des mécaniques est récompensée par un sentiment de puissance, ici, chaque victoire est teintée de doute.
Les combats sont volontairement imprévisibles. Les ennemis n’ont pas de pattern fixe : certains chargent en ligne droite, d’autres se téléportent, et certains ne réagissent pas aux tirs, comme s’ils étaient intouchables. Les armes, bien que satisfaisantes à utiliser (le fusil à pompe a un recul qui secoue l’écran), sont limitées en munitions, forçant le joueur à fuir autant qu’à combattre.
La narration est tout aussi déstabilisante. L’histoire, fragmentée, se dévoile à travers des notes audio, des graffitis sur les murs et des hallucinations. On incarne un soldat sans mémoire, piégé dans Fort Oasis, et chaque indice semble contradictoire. Certains joueurs rapportent avoir trouvé des messages cachés qui changent selon leurs actions, comme si le jeu adaptait son récit à leur façon de jouer. Une mécanique qui rappelle Control (2019), mais avec une opacité bien plus grande.
Enfin, le jeu joue avec les saves. Contrairement à la plupart des FPS, où les points de sauvegarde sont fréquents, ici, ils sont rares et aléatoires. Certains joueurs ont rapporté avoir perdu 30 minutes de progression après une mort, sans comprendre pourquoi. "C’est volontaire," explique Prebble. "On voulait recréer cette sensation de vulnérabilité, comme dans les vieux jeux, mais en l’utilisant pour servir l’horreur."
Un héritage qui dépasse le modding
Total Chaos est bien plus qu’un simple mod devenu jeu : c’est une déclaration d’amour aux FPS des années 90, tout en repoussant leurs limites. Le titre prouve qu’un petit studio, avec une vision claire et un savoir-faire technique, peut rivaliser avec les géants de l’industrie.
Son succès repose sur trois piliers :
- Une ambiance sonore inégalée, grâce à Akira Yamaoka, qui fait du son un personnage à part entière.
- Des effets visuels hypnotiques, conçus pour brouiller la frontière entre réalité et cauchemar.
- Un game design impitoyable, qui joue avec les attentes du joueur pour le maintenir dans un état de tension permanente.
Le jeu a déjà été salué par la critique pour son audace, mais aussi pour sa fidélité à l’esprit des FPS classiques. Certains puristes regrettent peut-être l’absence d’un mode multiplayer, mais Total Chaos n’a pas été conçu pour ça : c’est une expérience solitaire, intime, presque clandestine, comme un secret bien gardé que seul le joueur peut découvrir.
Et c’est peut-être là sa plus grande force : dans un paysage vidéoludique où les blockbusters se ressemblent de plus en plus, Total Chaos ose être différent, dérangeant, et surtout, inoubliable.
Total Chaos n’est pas un jeu pour les âmes sensibles. C’est une expérience qui vous hante bien après avoir éteint la console, un mélange enivrant de nostalgie rétro et d’horreur psychologique moderne. Entre les créatures difformes de Sam Prebble, la bande-son envoûtante d’Akira Yamaoka et un game design sadique, le titre parvient à un équilibre rare : celui d’un jeu qui terrifie, fascine, et marque à jamais.
Si vous pensiez tout connaître des FPS, Total Chaos est là pour vous prouver le contraire. Préparez-vous à douter de vos sens… et à en redemander.

