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Wicked: For Good – L’Ombre d’un Oz Sans Illusions
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Il y a 10 heures

Wicked: For Good – L’Ombre d’un Oz Sans Illusions

Un Oz déchiré entre vérité et mensonge

Wicked: For Good marque un tournant radical dans la saga Wicked, troquant les paillettes et les chorégraphies endiablées pour une plongée dans les rouages sombres de la politique et de la manipulation. Porté par des performances Ariana Grande et Cynthia Erivo d’une intensité rare, le film déconstruit le mythe d’Oz avec une esthétique dépouillée et une narration sans concession. Entre costumes symboliques, métaphores visuelles percutantes et une bande-son plus intimiste, Jon M. Chu signe une œuvre qui transcende la simple suite pour devenir une fable moderne sur le pouvoir, la trahison et le prix de la vérité.

A retenir :

  • Un virage audacieux : Wicked: For Good abandonne le spectacle pour une exploration politique et morale, où la magie cède la place à la réalité crue d’un Oz divisé.
  • Dualité explosive : Ariana Grande (Glinda) et Cynthia Erivo (Elphaba) livrent des interprétations à fleur de peau, incarnant l’innocence corrompue et la rébellion sacrifiée.
  • Une esthétique au service du sens : entre costumes souillés (la robe blanche de Glinda, tachée par le pouvoir) et scènes clés symboliques (la bulle de propagande qui éclate), chaque détail visuel renforce la critique sociale.
  • Le Magicien d’Oz revisité : les références au classique de 1939 deviennent des outils narratifs mordants, comme la route de briques jaunes, transformée en symbole d’oppression.
  • Une conclusion sans compromis : loin des happy ends, le film ose une fin ambiguë et brutale, où la légende d’Elphaba naît d’un mensonge d’État.
  • Plus qu’une suite, une fable : Wicked: For Good interroge le système comme vrai monstre, faisant écho à des enjeux contemporains.

Quand Oz perd ses couleurs : une plongée dans les ténèbres

Oubliez les chorégraphies étincelantes et les décors flamboyants du premier Wicked. Wicked: For Good opte pour une palette de gris et de noirs, où chaque ombre porte un sens. Dès les premières minutes, le ton est donné : le royaume d’Oz, autrefois terre de merveilles, se révèle être un labyrinthe de mensonges, où la magie n’est plus qu’un outil de contrôle. Jon M. Chu, le réalisateur, assume ce parti pris radical : "Ce n’est plus une comédie musicale, mais un drame politique où la musique sert la narration, et non l’inverse", confiait-il lors d’une interview pour Variety.

Les costumes, autrefois extravagants, deviennent des métaphores visuelles. La robe immaculée de Glinda (Ariana Grande), symbole de pureté, se couvre peu à peu de taches sombres, à mesure que son personnage s’enfonce dans les compromis du pouvoir. À l’inverse, le vert émeraude d’Elphaba (Cynthia Erivo), autrefois éclatant, se fond dans l’obscurité de sa clandestinité, comme si la sorcière verte disparaissait littéralement sous les coups de la propagande. Même les rares séquences musicales – comme le numéro sarcastique du Mago de Oz (un Jeff Goldblum toujours aussi théâtral) – sont teintées d’ironie, servant davantage à dénoncer les mécanismes de la manipulation qu’à émerveiller.

La photographie, bien que soignée, privilégie les plans serrés et les éclairages tamisés, créant une atmosphère oppressante. La scène où la bulle de propagande de Glinda éclate en plein vol, révélant son contenu creux, est à cet égard emblématique. "Cette bulle, c’est Oz tout entier : une façade brillante qui cache un vide sidéral", explique la costumière Susan Hilferty, déjà aux commandes du premier volet. Un choix esthétique risqué, mais qui paie : le spectateur est plongé dans un univers où rien n’est ce qu’il semble être.


"La vérité est une arme" : le duel Glinda vs Elphaba

Au cœur de Wicked: For Good se joue un duel idéologique bien plus qu’un simple conflit entre deux sorcières. Glinda, autrefois icône de douceur, est devenue une marionnette du système, son sourire de façade cachant une détresse grandissante. Ariana Grande, souvent critiquée pour son jeu d’actrice, surprend ici par sa capacité à incarner cette chute morale. Sa performance dans la scène où elle doit justifier l’arrestation d’Elphaba devant une foule en liesse est déchirante : son regard fuit, sa voix tremble, et pourtant, elle joue le jeu. "Glinda n’est pas méchante, elle est piégée. Et c’est bien pire", résume l’actrice.

Face à elle, Elphaba incarne la rébellion, mais aussi l’échec de l’idéalisme. Cynthia Erivo, déjà sublime dans le premier volet, creuse encore son personnage, lui donnant une profondeur tragique. Sa version de "Defying Gravity", reprise ici dans un contexte bien plus sombre, n’est plus un hymne à la liberté, mais un adieu désespéré. Les deux actrices partagent une alchimie à l’écran qui rend leur relation à la fois toxique et profondément humaine. Leur dernière scène ensemble, où Glinda doit choisir entre sauver Elphaba ou préserver son propre pouvoir, est d’une intensité rare au cinéma.

Le film explore aussi leur dépendance mutuelle : Glinda a besoin d’Elphaba pour se rappeler qui elle était, et Elphaba a besoin de Glinda pour comprendre pourquoi elle se bat. Une dynamique qui rappelle les grands duos shakespeariens, comme Macbeth et Lady Macbeth, où l’ambition et la culpabilité s’entremêlent. "Elles sont les deux faces d’une même pièce : l’une montre ce qu’Oz veut voir, l’autre ce qu’Oz refuse de voir", analyse le critique Mark Kermode dans The Guardian.


Derrière le rideau : les coulisses d’une propagande bien huilée

Si le premier Wicked jouait avec les codes du conte de fées, Wicked: For Good les démonte méthodiquement. Les références au Magicien d’Oz de 1939 ne sont plus de simples clins d’œil, mais des outils de dénonciation. La fameuse route de briques jaunes, par exemple, est ici présentée comme un projet pharaonique du régime, censé symboliser la prospérité… alors qu’elle mène droit aux camps de détention où sont enfermés les opposants. Une scène montre même des ouvriers esclaves (des Munchkins, ironiquement) construire la route sous la surveillance de soldats, pendant que Glinda inaugure le chantier devant les caméras.

Le film va plus loin en réécrivant l’histoire officielle d’Oz. On découvre que le Magicien (interprété avec une ironie mordante par Jeff Goldblum) n’est qu’un pantin, et que le vrai pouvoir est détenu par une élite invisible, manipulatrice et sans scrupules. Les médias, représentés par des journaux et des affiches de propagande, diffusent une version édulcorée des événements, où Elphaba est présentée comme une terroriste et Glinda comme une sainte. "Nous avons travaillé avec des historiens des médias pour recréer les mécanismes de la désinformation, comme dans les régimes totalitaires du XXe siècle", révèle Jon M. Chu.

Les deux nouvelles chansons du film jouent un rôle clé dans cette critique. La première, interprétée par Elphaba, est un requiem pour un monde perdu, tandis que la seconde, plus rythmée mais cynique, accompagne la montée en puissance de Glinda. "La musique devait refléter la dualité du film : à la fois belle et cruelle", explique le compositeur Stephen Schwartz, de retour pour ce second volet. Les mélodies, bien que moins entraînantes que dans le premier film, sont porteuses de sens, comme ce leitmotiv qui revient chaque fois qu’un mensonge est colporté.


Une fin qui réécrit l’Histoire (et les contes de fées)

Wicked: For Good ne se contente pas de conclure l’histoire d’Elphaba et Glinda : il dynamite les fondements du conte. La scène finale, où le sort d’Elphaba est scellé dans une ambiguïté poétique, est un coup de maître. On ne sait pas si elle meurt vraiment, ou si elle devient une légende – mais peu importe, car "les légendes sont toujours plus puissantes que la vérité", comme le souligne un personnage. Le film joue avec l’idée que la "méchante sorcière" n’a jamais existé : elle a été inventée pour justifier une répression.

La dernière image est glaçante : Glinda, désormais à la tête d’Oz, regarde son reflet dans un miroir brisé. Elle a obtenu ce qu’elle voulait (le pouvoir), mais au prix de tout ce qu’elle était. "Ce n’est pas une fin heureuse, mais c’est une fin honnête", déclare Jon M. Chu. Le réalisateur assume pleinement ce choix, loin des happy ends hollywoodiens, pour offrir une conclusion presque shakespearienne, où les personnages sont écrasés par des forces qui les dépassent.

Le film laisse aussi une question en suspens : et si le vrai monstre était le système ? Une interrogation qui résonne bien au-delà d’Oz, et qui fait de Wicked: For Good bien plus qu’une simple suite. En déconstruisant le mythe, le film devient une métaphore des mécanismes du pouvoir, où la vérité est une menace et la légende, une arme. "Nous vivons dans un monde où la désinformation est monnaie courante. Oz, c’est nous", résume Cynthia Erivo.


Entre fable et miroir : pourquoi ce film parle (aussi) de nous

Ce qui frappe dans Wicked: For Good, c’est sa résonance contemporaine. Les thèmes abordés – propagande, manipulation médiatique, sacrifice de la vérité sur l’autel du pouvoir – font écho à des enjeux bien réels. Le film ne se contente pas de raconter une histoire : il invite à réfléchir sur la façon dont les récits sont construits, et à quel prix.

La comparaison avec d’autres œuvres est frappante. On pense à 1984 de George Orwell, où la vérité est réécrite en permanence, ou à Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro, où la fantaisie cache une réalité monstrueuse. Mais Wicked: For Good va plus loin en mêlant le politique et l’intime : la chute de Glinda est aussi celle d’une amitié, et la rébellion d’Elphaba, celle d’une femme qui refuse de se taire. "C’est un film sur le choix entre la sécurité et la vérité. Et ça, tout le monde peut le comprendre", note la critique Clarisse Fabre dans Le Monde.

Certains spectateurs pourraient regretter l’absence de grands numéros musicaux ou de décors flamboyants, mais c’est précisément ce qui fait la force du film. En renonçant au spectacle, Wicked: For Good gagne en profondeur et en urgence. Il ne s’agit plus de divertir, mais de provoquer – et c’est une prise de risque qui mérite d’être saluée.

Wicked: For Good achève ce qu’avait commencé son prédécesseur : transformer un conte en miroir de nos propres illusions. Entre performances bouleversantes, esthétique audacieuse et narratif sans concession, le film de Jon M. Chu dépasse le cadre de la simple suite pour devenir une œuvre à part entière. Une œuvre qui rappelle que les légendes, qu’elles soient vertes ou dorées, se construisent souvent sur des mensonges… mais que la vérité, elle, finit toujours par percer. Même à Oz.

L'Avis de la rédaction
Par Celtic
"Wicked: For Good" est une plongée dans les ténèbres d'Oz, où la magie n'est plus qu'un outil de contrôle. Jon M. Chu, le réalisateur, assume ce parti pris radical : "Ce n'est plus une comédie musicale, mais un drame politique où la musique sert la narration, et non l’inverse". Les costumes, autrefois extravagants, deviennent des métaphores visuelles. La robe immaculée de Glinda (Ariana Grande) se couvre de taches sombres, tandis que le vert émeraude d'Elphaba (Cynthia Erivo) se fond dans l'obscurité. Même les rares séquences musicales sont teintées d'ironie, servant davantage à dénoncer les mécanismes de la manipulation qu'à émerveiller. La photographie, bien que soignée, privilégie les plans serrés et les éclairages tamisés, créant une atmosphère oppressante. La scène où la bulle de propagande de Glinda éclate en plein vol, révélant son contenu creux, est emblématique. "Cette bulle, c'est Oz tout entier : une façade brillante qui cache un vide sidéral", explique la costumière Susan Hilferty. Un choix esthétique risqué, mais qui paie : le spectateur est plongé dans un univers où rien n'est ce qu'il semble être.
Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Celtic

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