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Yakuza Kiwami 3 : Le Retour Éclatant d’un Classique Méconnu
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Pourquoi Yakuza Kiwami 3 est bien plus qu’un simple remake
Treize ans après sa sortie originale, Yakuza 3 renaît sous le nom de Yakuza Kiwami 3, porté par le Dragon Engine et une refonte audacieuse. Ryu Ga Gotoku Studio ne se contente pas de moderniser les graphismes : il réinvente les combats avec le Ryukyu Style, approfondit l’immersion via des détails comme la personnalisation du téléphone de Kiryu, et offre même une préquelle surprise, Dark Ties, centrée sur l’énigmatique Yoshitaka Mine. Entre fidélité à l’histoire originale et innovations inattendues, ce remake prouve que les classiques méritent une seconde chance – surtout quand ils s’accompagnent d’un voyage à Okinawa aussi riche en émotions qu’en coups de poing.
A retenir :
- Un remake complet : Le Dragon Engine transforme les décors d’Okinawa et les combats, avec une fluidité et des détails dignes des derniers Yakuza.
- Le Ryukyu Style : Huit armes inspirées des arts martiaux okinawais, des combos tactiques et le retour des coups iconiques (comme le vélo en pleine bagarre).
- Dark Ties : Une préquelle centrée sur Yoshitaka Mine, avec un gameplay hybride (shoot boxing, phases aériennes) et une plongée dans sa psychologie.
- Kamurocho et ses minigames : Karaoké avec Shido Nakamura (et son interprétation de Bakamitai), golf, et des rencontres explosives avec Tsuyoshi Kanda.
- Immersion renforcée : Personnalisation du téléphone de Kiryu (charmes, fonds d’écran), redesign de Rikiya, et une bande-son qui mêle nostalgie et modernité.
- Un pont entre les époques : Fidèle à l’histoire originale de 2009, mais enrichi pour les nouveaux joueurs comme pour les vétérans de la série.
Okinawa, 2009 : Quand un classique méritait mieux
Sorti à une époque où la série Yakuza peinait encore à s’imposer en Occident, Yakuza 3 (2009) avait divisé. D’un côté, son récit émouvant, centré sur la quête de rédemption de Kazuma Kiryu et son lien avec l’orphelinat Morning Glory, avait marqué les esprits. De l’autre, ses graphismes datés, ses combats rigides et ses mécaniques vieillissantes le rendaient difficile à recommander en 2024. Yakuza Kiwami 3 change la donne. Non content de transposer l’histoire originale sur Dragon Engine – le moteur qui a révolutionné Yakuza 6 et Like a Dragon –, le studio Ryu Ga Gotoku en profite pour corriger les défauts du passé… et ajouter des surprises qui raviront même les fans les plus exigeants.
Le choc est immédiat dès les premières secondes. Okinawa, autrefois modélisée avec des textures floues et des animations saccadées, s’anime sous un jour nouveau. Les ruelles étroites de Naha, les plages ensoleillées, les bars enfumés : tout respire la vie, des reflets sur les vitrines aux passants qui vaquent à leurs occupations. Même les combats, jadis chaotiques, gagnent en précision. Les enchaînements sont plus fluides, les impacts plus satisfaisants, et les environnements interactifs (un mur à défoncer, une table à retourner) ajoutent une dimension tactique bienvenue. Kiryu ne se contente plus de frapper : il domine.
Pourtant, la vraie magie de Kiwami 3 réside dans son équilibre. Les puristes retrouveront l’histoire originale, scène par scène, réplique par réplique – y compris les moments cultes, comme la confrontation avec Shiro ou les dialogues poignants avec Haruka. Mais le studio a glissé des ajouts qui transforment l’expérience. Le Ryukyu Style, par exemple, n’est pas qu’un simple nouveau mode de combat : c’est une lettre d’amour aux arts martiaux okinawais, avec ses huit armes distinctes (dont un sansetsukon, ces bâtons reliés par une chaîne) et ses attaques chargées spectaculaires. Et quand Kiryu attrape un vélo pour l’envoyer valdinguer sur un adversaire, c’est à la fois un clin d’œil aux fans et une preuve que le jeu assume pleinement son côté déjanté.
Ryukyu Style : Quand Okinawa inspire la violence
Si les Kiwami précédents se contentaient de polir les mécaniques existantes, Kiwami 3 ose innover avec le Ryukyu Style. Inspirée du karaté okinawais et du kobudo (l’art du combat avec armes traditionnelles), cette approche offre une alternative radicale au style Brawler classique de Kiryu. Chaque arme – du bo (bâton long) au tonfa – dispose de combos uniques, et leurs attaques chargées déchaînent des animations d’une violence poétique. Imaginez Kiryu faisant tournoyer un nunchaku avant d’écraser le crâne d’un ennemi contre un comptoir… Le tout avec la fluidité caractéristique du Dragon Engine.
Mais ce qui surprend le plus, c’est la philosophie derrière ce style. Contrairement aux autres jeux de la série, où les armes servaient surtout à diversifier les coups, ici, elles s’intègrent à une véritable identité martiale. Les gardiens de l’orphelinat Morning Glory, comme Mikio, utilisent d’ailleurs ces techniques – un détail qui renforce la cohérence du monde. Et pour les nostalgiques, pas de panique : les coups mythiques (le uppercut qui envoie valser un adversaire, le coup de pied tournant) sont toujours là, plus puissants que jamais.
Autre détail qui compte : la personnalisation. Le téléphone portable de Kiryu, déjà présent dans les précédents opus, devient ici un objet presque vivant. Entre les charmes à collectionner (dont certains réfèrent à des inside jokes de la série), les fonds d’écran décalés et les gemmes à équiper pour booster ses stats, ce petit écran ajoute une couche d’immersion inattendue. Quand on reçoit un message de Haruka ou de Daigo Dojima, on a presque l’impression que ces personnages existent vraiment quelque part à Kamurocho.
Enfin, impossible de ne pas parler du redesign de Rikiya. Son nouveau visage, modélisé d’après son doubleur Sho Kasamatsu, a suscité des débats parmi les fans. Certains regrettent la perte du charisme "brut" de l’original, d’autres saluent cette fidélité à l’acteur. Qu’importe : sa scène à l’hôtel, où il affronte Kiryu dans un duel aussi physique qu’émotionnel, reste l’un des sommets de la série. Et c’est bien là l’essentiel.
Dark Ties : La Préquelle Qui Volait la Vedette
Personne ne s’y attendait. Yoshitaka Mine, antagoniste secondaire de Yakuza 3, méritait-il vraiment son propre jeu ? La réponse est un oui retentissant. Dark Ties (littéralement "Liens Obscurs") n’est pas un simple DLC : c’est une préquelle à part entière, qui explore les années de Mine avant sa chute, quand il n’était encore qu’un jeune yakuza assoiffé de reconnaissance. Le pari est audacieux : transformer un méchant relativement effacé en protagoniste complexe, avec ses doutes, ses ambitions et ses failles.
Le résultat est bluffant. Le gameplay, d’abord, mélange shoot boxing (un style de combat hybride entre boxe et coups de pied) et phases aériennes, le tout couronné par un Dark Awakening – une sorte de mode "rage" aussi spectaculaire que dévastateur. Mais c’est l’écriture qui impressionne le plus. Mine n’est pas un héros : c’est un homme brisé par le système du clan Tojo, prêt à tout pour gravir les échelons, même à trahir ceux qui lui font confiance. Ses interactions avec Tsuyoshi Kanda (un autre personnage clé de Yakuza 3) sont particulièrement électrisantes, entre respect et rivalité.
Kamurocho, bien sûr, est de la partie. Mais cette fois, le quartier rouge n’est pas qu’un décor : c’est un miroir des ambitions de Mine. Entre deux missions, on peut le voir traîner au Club SEGA, chanter (magnifiquement mal) au karaoké – où la voix de Shido Nakamura sur Bakamitai est un vrai régal –, ou même jouer au golf avec des membres du clan. Ces moments de répit, typiques de la série, prennent ici une dimension tragique : on sait que Mine est condamné à tomber, et chaque rire, chaque verre partagé, en devient d’autant plus poignant.
Surtout, Dark Ties comble un vide narratif. Dans Yakuza 3, Mine apparaît comme un traître sans profondeur. Ici, on comprend ses motivations, ses peurs, et surtout, son lien avec Kiryu – un lien qui explose littéralement dans la scène finale, aussi violente que symbolique. Certains diront que ce spin-off vole la vedette à Kiwami 3. C’est peut-être vrai. Mais au fond, n’est-ce pas la preuve que Ryu Ga Gotoku maîtrise son univers mieux que quiconque ?
Entre Fidélité et Réinvention : Le Pari Réussi de RGG
Le plus impressionnant, avec Yakuza Kiwami 3, c’est sa capacité à satisfaire deux publics à la fois. Les vétérans retrouveront l’histoire qu’ils aiment, enrichie de détails qui la rendent encore plus puissante. Les nouveaux joueurs, eux, découvriront un récit mature, où la violence le dispute à l’émotion, le tout dans un cadre (l’île d’Okinawa) rarement exploité dans les jeux vidéo. Et puis, il y a ces petits rien qui font la différence :
- Les minigames, toujours aussi addictifs, qu’il s’agisse de pêcher, de jouer à Space Harrier dans les arcades, ou de participer à des tournois de shogi.
- La bande-son, qui alterne entre thèmes nostalgiques (comme la mélodie de Morning Glory) et morceaux modernes, comme le générique de Dark Ties, composé par Hidenori Shoji.
- Les clins d’œil à la série, comme la présence de Goro Majima (en caméo) ou les références à Yakuza 0 et Yakuza: Like a Dragon.
- Le New Game+, qui permet de conserver ses compétences et son équipement pour revisiter l’histoire avec un Kiryu surpuissant.
Bien sûr, tout n’est pas parfait. Certains trouveront que les combats, malgré leurs améliorations, manquent encore un peu de profondeur face à des titres comme Judgment ou Lost Judgment. D’autres regretteront l’absence de certains minigames cultes (où est passé le karaoké en duo ?). Et le redesign de Rikiya, aussi bien pensé soit-il, continuera de diviser. Mais ces réserves pâlissent face à l’ambition globale du projet.
Car au final, Yakuza Kiwami 3 (et son compagnon Dark Ties) accomplissent quelque chose de rare : ils réparent un jeu. Non pas en gommant ses défauts, mais en les transformant en forces. Okinawa n’est plus un décor figé, mais un personnage à part entière. Les combats ne sont plus laborieux, mais jouissifs. Et Yoshitaka Mine, autrefois simple faire-valoir, devient l’un des personnages les plus fascinants de la saga. Si c’est ça, un remake, alors on en redemande.
Derrière les Coulisses : Quand un Jeu Devient une Passion
Peut-être ignorez-vous que Yakuza 3 a failli ne jamais exister. À l’époque, SEGA hésitait à financer un troisième opus, jugeant la série trop "niche". C’est l’insistance de Toshihiro Nagoshi (alors à la tête de Ryu Ga Gotoku Studio) et le succès surprise de Yakuza 2 qui sauvèrent le projet. Pourtant, le développement fut chaotique : l’équipe, réduite, dut travailler dans l’urgence, ce qui explique certains compromis techniques de l’original.
Aujourd’hui, Kiwami 3 est en quelque sorte une réparation historique. Masayoshi Yokoyama, le producteur actuel, a confié en interview que ce remake était "une dette envers les fans". Car Yakuza 3 contenait déjà les graines de ce qui ferait le succès de la série : un mélange unique de drame, d’humour et d’action, le tout ancré dans une culture japonaise rare dans les jeux vidéo. En 2009, le monde n’était pas prêt. En 2024, si.
Et puis, il y a cette anecdote, racontée par Hiroyuki Sakamoto (le réalisateur) : lors de l’enregistrement des voix pour Dark Ties, Shido Nakamura (qui double Mine) aurait improvisé certaines répliques, tellement il s’était imprégné du personnage. Des moments que le studio a finalement conservés dans le jeu. Preuve que parfois, la magie opère derrière l’écran, bien avant qu’elle n’atteigne les joueurs.
Reste une question : après ce traitement de faveur, quel autre Yakuza méritera sa version Kiwami ? Yakuza 4 et son système de quatre protagonistes ? Yakuza 5, avec ses cinq villes et son ambition démesurée ? Une chose est sûre : avec Kiwami 3, la série n’a pas fini de surprendre.